Brume stagnait ou tournait en rond, ce qui revient au même. Il lisait ou tentait de lire des ouvrages de zigomarologie particulièrement abstrus. Ayant à peine entamé l'un, il se disait qu'il ferait peut-être mieux de passer à un autre plus zigomarologique encore que le premier.
Plus il lisait moins il écrivait, et moins il y voyait clair. Un ami passa, qu'il vit arriver d'assez loin non sans quelque mauvaise humeur. 
- Il y a bien longtemps que tu ne nous as pas tenu au courant de tes pensées, dit l'ami. 
- Y suis-je obligé ?, répondit Brume.
- Nullement, mais je ne doute pas un seul instant que si tu avais quelque chose à nous dire tu ne manquerais pas de nous le faire savoir. 
- Peut-être.
- Alors que cherches-tu avec tant d'inquiétude et tant d'irrésolution ? Il y a bien quelque chose qui te tient ainsi éveillé et j'ai peine à croire que cela dépende des livres que tu lis. 
- Ce que je cherche, tout d'abord, c'est un moyen de pouvoir quitter cette vie avec le sentiment de n'avoir pas agi en vain toutes ces années. Mais cela ne concerne que moi. Qui d'autre pourrait se soucier de cela comme je le fais ? Chacun se pose cette question pour son propre compte.
- D'accord. Mais encore ?
- Eh bien, ce qui me tracasse en ce moment, ce sont ces deux vieilles questions, qui résument à elles seules des siècles et des siècles de zigomarologie : 
Que pouvons-nous espérer de la zigomarologie ? 
Et, en supposant qu'on puisse répondre à la première question :
La zigomarologie est-elle bien le moyen de savoir, non pas tellement ce que nous sommes (il ne faut quand même pas trop attendre de la zigomarologie), mais ce que nous ne sommes pas ? 
Hélas ! s'il est très facile de poser de grandes questions de ce genre, il l'est beaucoup moins d'y répondre. D'autant qu'une telle réponse marquerait tout simplement la fin de la zigomarologie et, pour tous les zigomarologues, l'urgence  d'une brutale réinsertion dans un monde désespérément prosaïque.