Mardi 20 octobre 2009 à 10:25


Et si tout ça n'avait été qu'une illusion ?

Et si la civilisation n'était qu'un château de glace que quelques degrés de réchauffement de l'air ambiant peut réduire en eau et disperser à travers le sol desséché ?

Une parenthèse.

Nous sommes des individus effarés, nous ne comprenons rien au destin de notre espèce. Nous croyons être propriétaires d'un morceau de pelouse et d'une petite maison dans la banlieue d'une grande ville, et puis en quelques semaines, en quelques jours, rien de tout cela n'a plus d'importance. Alors on reprend la route des premiers ancêtres, laissant tout derrière soi comme en plein désert l'on se détourne d'un puits sans eau.

Peut-être est-il dans la nature des hommes d'errer en troupeaux parmi les décombres de leurs rêves.

Réfugiés, naufragés, clandestins, vous n'êtes que les premiers.

Notre vraie culture est celle du désastre.


Samedi 20 décembre 2008 à 17:54


Voilà. La pause est terminée, on reprend le fil ; non sans peine, parce qu’il faut un peu tout reconstruire. D’abord je dois me recomposer, récupérer tous les morceaux de moi que j’ai éparpillés un peu partout.
Ensuite, je dois retrouver mes personnages familiers qui, bien entendu, ont sauté sur l'occasion pour prendre le large : M. Brume a retrouvé sa plume et ses livres. Barnabé n’a pas quitté le quartier, mais cela n’a rien à voir avec sa présence ou son absence : sa vie se déroule à des années-lumière de ce monde.  Et je ne sais pas ce que Mirabelle est devenue. Je vais tenter de les retrouver et les supplier de revenir me prêter leurs voix. J’ai besoin d’eux: ils sont les vrais auteurs des mots et des pensées que je leur attribue.

P.S. Brume n’est pas loin, à ce qu’il me semble. Il y a quelques semaines, il m’avait confié un manuscrit : Déclin d’une civilisation, en me disant d’en prendre soin, qu’il avait bien le temps, qu’il s’y remettrait à l’occasion. Et je m’aperçois à l’instant qu’il est repassé discrètement, hier ou avant-hier. Sur la chemise, à la place du mot « déclin », biffé en rouge, il a écrit  «effondrement». Et le manuscrit n’est plus là.

(Plus sérieusement, je vous encourage à lire, dans le dernier numéro du Courrier international (946 - 947), le dossier consacré à "Ces civilisations qui disparaissent". Ça fait froid dans le dos.)


Vendredi 14 novembre 2008 à 0:37



Le temps passe, jusqu’au jour où l’on se sent comme au bord d’un gouffre. On se demande alors pourquoi on a tellement couru, en se posant si peu de questions.
Un homme, qui en était justement arrivé là, se tourna vers M. Brume et lui demanda tout de go :
« Vous sauriez me dire, vous, ce qui compte vraiment ? »
Brume réfléchit un moment puis hasarda une réponse :
«Le sens.
«Et d'abord l’attention portée à la beauté du monde, qui niche dans notre amour de la vie bien plus que dans le monde lui-même. Ainsi, un arbre fragile entre deux murs de béton gris, un visage humain, le ciel changeant, l’obscurité glaciale d’une nuit d’hiver, tout cela peut être magnifique. Voilà pour le présent.
« Ensuite, le souci de ne jamais se laisser abuser par l’évidence des institutions, la puissance de la technique, les impératifs de l’économie, le grand spectacle que le système se donne à lui-même. Tout cela n’est qu’habillage et seule compte la vie des hommes, acteurs d’une très courte aventure personnelle au coeur d’une histoire collective qui les dépasse prodigieusement. Libres de vivre notre vie, de chercher notre bonheur à notre guise, mais responsables aussi devant l’espèce humaine, de partager les ressources finies d’un monde fini avec tous ceux qui ne sont pas encore nés et qui hériteront de nous. Voilà pour le futur.
« Enfin, l’effort de garder en mémoire ces textes inutiles, ces langues mortes, ces mythes, ces récits, sans lesquels nous ne saurions plus d’où nous venons, ni d’où nous viennent ces mots que nous prononçons, ces symboles par lesquels nous déchiffrons le monde, ni même ces paysages qui sont les nôtres. On ne peut pas oublier que l’humanité s’est déclinée sous les formes de vie les plus diverses, aussi dignes et légitimes les unes que les autres, que toute civilisation, y compris la nôtre, est destinée à périr, et enfin que rien ne nous  force à suivre aveuglement toujours le même chemin. »

Mardi 9 septembre 2008 à 11:08


Tu m'embêtes avec ton histoire de civilisation. Je sais ce qui se passe ici, je regarde la télé comme tout le monde. La crise économique, le réchauffement climatique, je connais tout ça.
Mais la civilisation…
C'est quoi, la civilisation ? Pour moi, c'est un mot du bon vieux temps, du temps des pays chauds, de l'outre-mer, des colonies. La civilisation, alors, c'était tout simple: le frigo, le lait en poudre Nestlé, le bon docteur blanc, la lutte pour alphabétiser les sauvages, les empêcher de se promener tout nus et de manger du chien.
La civilisation, c'était nous par rapport à tous ces primitifs, ces sauvages, ces païens.
Maintenant, on n'arrive même plus à dire nous, parce tout est mélangé. Les autres ne restent même plus chez eux. Et puis tout le monde est civilisé, et c'est encore plus la merde qu'avant.
Bon, c'est vrai, il y a la religion. Mais la religion, justement, c'est surtout les autres, ces islamistes qui viennent nous danser autour. On aimerait bien leur répondre, sauf que la religion, nous on s'en fout. Il y a belle lurette qu'on n'y pense plus, ou alors juste un peu comme ça, deux ou trois fois dans la vie.
Non, franchement, la civilisation… Je sais que ça existe, forcément, puisqu'on existe et qu'on est civilisés, mais je ne saurais pas te dire ce que c'est.

Quoi ? Tu penses que la civilisation, c'est ce à quoi on croit ?
Alors là, te dire à quoi je crois… Des croyances, je n'en ai pas, mais il y a deux ou trois choses que je sais. J'aime bien quand on va à la mer pendant les vacances et ça, je ne veux pas qu'on me le prenne. Je tiens à ma voiture. Je tiens à mon boulot. Je tiens à ma santé. C'est ça qui est le plus important et si on n'était pas civilisés, je ne l'aurais pas. Mais est-ce qu'on peut vraiment dire que j'y crois ?

La civilisation, c'est la culture, tu dis ? Tu veux parler du théâtre ? de l'opéra ? des tableaux ? des livres ? Pourquoi pas la musique classique, pendant que tu y es ! Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de tout ça ! Les livres, j'en ai lu un à l'école, ça m'a suffi. Tu peux me dire à quoi ça sert ?   Tu en lis, toi, des livres ?

Et puis pourquoi tu veux tellement que je te parle de civilisation ? Tu crois que je ne me fais pas assez chier tous les jours avec les vrais problèmes ?

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