- On s’attendait à un article, un vrai, mais non. On patauge dans les préliminaires !
C’est l’été, il fait un temps superbe, soleil de neuf heures du matin, allons piquer une tête dans la rivière. On s’y voit déjà, ondulant dans le courant, le rêve.
Arrivé sur le ponton, c’est une autre affaire. On s’interroge. L’eau n’est-elle pas un peu froide ? Sauterai ? Sauterai pas ? Sauter oui, mais... Bon ! Rien n’est simple.
Les vrais articles viendront, mais, d’abord, pinaillons pour reculer un peu l’échéance.
- La troisième phase de l’existence de ce blog commence donc aujourd’hui. Mais pour dire quoi ?
Vous l’avez compris, il s’agit dans l’immédiat non pas de nager, mais de s’imaginer nageant bientôt. Tout ce qui suit est dit le plus sincèrement du monde, mais peut-être n’est-ce que du pipeau. Du blabla pour donner le change. La réalité prendra peut-être des formes imprévisibles.
D’abord, je reviens à ce blog, celui-ci, pas un autre, parce que quelque chose qu’il m’apportait me manque. A force de ratiociner dans son coin, on balbutie plus qu’on ne brouillonne, en attendant l’oeuvre parfaite qui promet énormément mais joue les coquettes.
Balbutier, c’est avoir bien des idées, mais qu’on laisse en plan derrière soi à peine ébauchées ; velléité inutile. Le brouillon, stade intermédiaire entre balbutiement et accomplissement, c’est beaucoup mieux : retravaillée, rendue accessible à d’autres, mise sur orbite et risquée dans l’espace commun, elle s’offre à la critique. Cela revient d’ailleurs très souvent à restituer aux autres l’idée qu’ils nourrissent eux-même, à leur insu ou pas. Une idée, ça ne sort jamais de rien ; ça circule d’une cervelle à l’autre, ça prend forme dans l’air du temps, ça se construit en réseau. On la croit toute à soi, née de rien, alors que c’est un voisin qui vous l’a soufflée à l’oreille sans même le savoir.
Bref.
Alors, ici, des brouillons, mais des brouillons jolis, bien écrits dans la mesure des moyens disponibles, etc.
- Oui, d’accord, mais pour dire quoi ? (C’est la seconde fois qu'on pose la question !)
Je pourrais m’en tirer en disant : tout et n’importe quoi, ce qui me passe par la tête. Mais ce ne serait pas honnête. Qui n’a pas ses obsessions, ces questions récurrentes, ce ressassement qui nous revient chaque fois qu’on doit marcher plus de 200 mètres, quand par bonheur on n’a pas son MP3 sur les oreilles ( le MP3 étant une ressasseuse artificielle, une prothèse en quelque sorte pour échapper à ce brassage cogitatoire vertigineux, inquiétant mais si nécessaire ) ?
La première de ces obsessions consiste en une méfiance quasi pathologique envers tout ce qui paraît aller de soi. Une manière de théorie du complot qui assimilerait tout jugement d’évidence à une forme d’enfumage qu’on s’infligerait à soi-même, conviction quasi obsessionnelle que c’est justement là où tout semble couler de source que se cachent les problèmes les plus épineux.
Parmi ces choses qui vont de soi et dont il faut se méfier, en première place, le « Je ». Cet être familier, cohérent, prévisible, grandiose, que nous croyons être. Supposons un instant que ce Je, nous puissions voir ce qu’il en advient dans le secret des cervelles de ceux qui nous entourent (et qui ne nous veulent pas forcément du mal). Quelle collection disparate de figures plus ou moins grotesque cela ferait !
Autre évidence suspecte : le langage. Nous en avons tellement besoin, il nous imprègne de façon si nécessaire que nous peinons à voir les enfants qu’il nous fait dans le dos chaque fois que nous tentons de penser le monde (« Je » lui même est d’abord un mot).
Il nous fait dire dire plus nous ne pouvons, il nous égare dans la confusion des plans, il nous laisse croire qu’il y a des mots pour tout, que rien ne lui échappe. Il masque exactement autant qu’il révèle.
Quand on apprend à parler, on table sur une permanence du langage, on se fie au mots. Mais il suffit de voir passer les décennies pour se rendre compte que le sens glisse sous les mots, se décale, se transforme. Illusion d’une permanence des choses sous la permanence des mots. Angoissante illusion, pour quiconque perçoit l’accélération stupéfiante que subit la transformation des choses. Notre époque semble le théâtre d’une immense réaction chimique amorcée depuis longtemps, devenue perceptible dans les années 80 du dernier siècle, et qui soudain s’emballe.
Entre les choses et les mots, le réel et la pensée, le décalage devient dramatique. Le langage opère à la fois comme un leurre et un révélateur, ce qui n’est contradictoire qu’en apparence. La tranquille permanence des mots masque la dérive du sens et retarde dramatiquement la prise de conscience du fait que nous sommes embarqués, à notre corps défendant dans une aventure décisive. Nous n’arrivons même pas à vraiment « capter », comme on dit, que les modes de pensée traditionnels tournent à vide, que les phrases que nous utilisons virent systématiquement à la langue de bois. C’est flagrant dans le discours politique où les clivages traditionnels perdent leur sens, où les fronts se renversent. Ce l’est de façon dramatique dans cette paralysie de la pensée qui nous empêche de prendre la mesure des défis qui nous attendent au moment où peut-être il est déjà trop tard.
Mais ce vacillement du langage est un symptôme, un signe avant-coureur pour qui se donne les moyens de le percevoir. Du monde je sais peu de choses et je me vois mal jouer les Cassandre ; le langage, ses ébranlements, ses apories me sont en revanche bien plus familiers. Ces flottements, que j’évoquais, ces inversions de sens, cette difficulté croissante à trouver les mots pour dire ce qui se noue en ce moment même, cette rupture entre le discours et l’action, je tenterai donc d’en dire deux mots, ou plutôt je laisserai mes petites marionnettes, Barnabé, Brume et quelques autres en parler à leur manière.
- Bigre ! Tout cela nous annonce des jours difficiles et des textes plutôt emmerdants. Mais une question encore, si j’ose : Pourquoi ici ? Qu’est-ce que Cowblog vient faire là-dedans ? Si tu veux jouer les prophètes, il te faudrait une autre caisse de résonance.
- Franchement, je ne sais pas. Alors contentons-nous d’un pudique « Pourquoi pas ? »
Et puis, le vent se lève, je frissonne un peu malgré le soleil. Je ne me baignerai pas aujourd’hui. Un autre jour, peut-être...
Lundi 30 décembre 2013 à 19:34
Samedi 22 novembre 2008 à 19:06
Hier soir, j’ai fait deux stupéfiantes découvertes.
La première, que le catalogue des blogs était enfin consultable (bien conçu, intéressant). La seconde, que ce catalogue de 123 pages, si l’on prend l’option « 90 blogs par page » compte, tenez-vous bien, 11070 blogs.
Mais alors, qu’est-ce qu’il racontait ce benêt de Que-vent-emporte, avec ses statistiques foireuses ? Vous vous souvenez ? Chaque mois il prétendait que le nombre des blogs diminuait, que Cowblog se dépeuplait. Eh bien non ! C’était tout faux. Nous sommes officiellement 11070 !
Vive la version 3 !
J'étais prêt à déboucher une bouteille de derrière les fagots pour fêter l'événement, quand une personne que je connais et qui a beaucoup cowblogué m'a fait part d’une nouvelle étonnante et un brin inquiétante.
Son blog longtemps chouchouté, puis un peu délaissé et enfin trucidé d’un clic prétendument définitif, ce blog expédié depuis des mois dans la poubelle 404, il est là, revenu, avec ses articles, ses commentaires et tout et tout.
A partir de là, je tremble : l’invasion des zomblogs a commencé !
Samedi 27 septembre 2008 à 16:04
C'est le nombre des blogs figurant dans l'annuaire de Cowblog au moment où je rédige ce petit article.
En fin de journée, il peut y en avoir trente de plus et, le lendemain, quarante de moins. Bref, la décrue amorcée au début de l'été 2007 se poursuit, tranquillement.
Il y a un an et un mois, le 30 août 2007, nous étions exactement 19'357, soit 9'376 de plus qu'aujourd'hui.
Le compte est donc facile à faire : la population de Cow a diminué de moitié ou peu s'en faut.
C'est un fait, je l'enregistre en tant que tel et renonce à essayer de savoir si c'est bien ou non.
Jeudi 25 septembre 2008 à 16:22
Depuis le 9 septembre, cela fait bien des jours que ce blog n'a plus reçu d'article.
Panne ou spectaculaire ralentissement ?
Au fond, je ne le sais pas bien moi-même. Je constate.
Il y a bien une raison qui pourrait passer pour suffisante : j'ai moins de temps à disposition pour Cow, beaucoup moins.
Mais je ne me satisfais pas de cette explication, trop commode pour être la bonne, probablement destinée à masquer d'autres raisons plus profondes, les vraies.
Malheureusement, ces vraies raisons je ne vois pas encore très bien ce qu'elles sont.
On s'imagine que tout ce qu'on fait, par le simple fait qu'on le fait, on est en mesure de l'expliquer.
Grave erreur ! Bien sûr, s'il s'agit d'aller manger un morceau, on ne se trompera pas trop en disant que c'est parce qu'on a faim, quoique… Mais pour tout ce qui dépend du désir – ici le désir d'écrire et d'écrire pour d'autres –, on est souvent le spectateur déconcerté de l'évolution de ses propres états d'âme.
Si vous me demandez : Est-ce que tu veux mettre fin à ce blog, quitter Cow pour aller ailleurs ou carrément tout arrêter ? Je vous répondrai sans hésiter une seconde que non, qu'il n'en est pas question.
Mais si, aussitôt, vous me demandez pourquoi je commente si peu depuis quelque temps, alors que c'est si important et si gratifiant, je ne saurai pas trop quoi vous répondre.
Je suis comme un navigateur au milieu de l'océan, je dépends du vent. Il souffle souvent et parfois il tombe et c'est le calme plat.
Il paraît qu'il faut siffler pour faire venir le vent. Alors je siffle.
Dimanche 24 août 2008 à 22:49
Cela fait juste deux ans que ce blog existe.
Rien à l'échelle d'une vie ; mais, quand j'y pense, j'ai l'impression que cette modeste aventure dure depuis bien plus longtemps. Et tant mieux, parce que c'est une très, très belle expérience.
J'entendais il y a peu de temps des gens fort savants débattre de la blogosphère à la radio. Ils opposaient, comme il se doit, les rencontres virtuelles sur la toile (beuark !) aux rencontres réelles, dans la vie (applaudissez, svp !).
Navré de balancer un pavé (virtuel) dans leur mare (métaphorique), mais, à mes yeux, mes amis du net sont tout aussi réels que tous les gens que je côtoie physiquement tous les jours. Quels que soient les pseudos choisis, la mise en scène des blogs, le flou dans les articles pour brouiller les pistes, j'ai toujours eu ici la conviction de frayer avec des personnes, pas avec des fantômes. Peut-être bien que sur les quelque dix mille blogs de cette plate-forme une bonne partie ne présente guère d'intérêt ; mais où est la différence avec tous ces gens qui peuplent la « vraie » vie ?
C'est bien ici que j'ai eu le privilège de rencontrer quelques personnes qui comptent énormément pour moi aujourd'hui. Nous ne nous verrons peut-être jamais en chair et en os, mais cela n'a aucune importance. Nos conversations presque quotidiennes sont parfaitement réelles, ainsi que nos projets, et le souci que nous avons les uns des autres. Nous sommes amis au sens le plus fort du terme et le reste n'a guère d'importance.
Sans Cowblog, jamais cela n'aurait eu lieu.
Merci donc à ceux par qui c'est devenu possible !