Je suis le pivot de l'univers, l'unique point fixe, oui, c'est ça que je suis, se disait Barnabé

Ça  bouge, ça bouge, mais moi, im-mo-bi-le je suis . Le centre de l'univers, il est là, trois centimètres en arrière de mes yeux, au sommet d'une pyramide équilatérale dont la base est définie par mon oeil gauche, mon oeil droit et le bout de mon nez.
Le matin, mon lit se désolidarise de moi; le monde bascule d'un quart de tour; debout, tant bien que mal j'essaie de compenser en marchant les mouvements désordonnés de la maison.
Ils me disent, les gens : Barnabé, c'est pas vrai ce que tu dis, là, c'est juste toi qui as bougé. Tu as tourné la tête.
C'est ce qu'ils croient ces imbéciles. Même pas capables de se rendre compte que c'est le monde qui a pivoté et que le bas de mon corps solidaire du monde par l'intermédiaire du placet de ma chaise a tourné avec. Mais ma tête, justement, ma tête, elle est restée d'une sublime, absolue et parfaite immobilité.

Et tac !