Un paysage.
Au bord du chemin, un arbre.
Un homme marche.

Il s'arrête et parcourt du regard le feuillage qui l'abrite.
Indéniablement, le monde existe.
Et à n'en pas douter, c'est le monde des hommes.
Dans ce très bref moment de résistance à la mort - ce spasme - qu'est une vie humaine, si l'homme s'inquiète de sa patrie, il pense que l'univers entier lui répond et le rassure.

Mais si l'homme embarque l'arbre dans sa pensée, fait penser l'arbre à son tour, c'est lui-même qu'il trouve dans la pensée de l'arbre. Dès lors qu'il ne suit pas seulement les contours de l'arbre mais prend le train de sa mouvance propre, depuis le moment où devenu arbre celui-ci s'est détaché de l'arrière-fond du monde, s'est construit branche après branche, l'homme voit se dessiner au coeur du lent déploiement de l'arbre le chemin qui le mène à la mort inéluctable. L'arbre, comme tout vivant, porte sa mort en lui. 
Et la vie d'un homme, c'est beaucoup plus court et fragile que la vie d'un arbre.


Quand le cycle de l'humanité se sera bouclé sur lui-même, quand les hommes auront disparu, alors les monuments humains, les messages gravés dans la pierre,  les grands charniers, les balafres sur le sol, les traces de tant d'illusions et de tant d'horreurs, rien de tout cela ne se distinguera plus du grand cycle des choses.
Ce sera donc l'heure de l'oubli ?  Bien plus que cela : l'heure de la disparition pure et simple de toute mémoire.

Et si le cycle de la vie se clôt à son tour, quand les arbres eux-mêmes ne seront plus, tout retournera au silence premier.
C'est le message de l'arbre à l'homme qui peut penser.

Et l'homme reprend sa route.
Comme au bord du chemin l'arbre, puissant et calme, se meurt