J'ai alors décidé de les suivre. Rien de plus simple, en apparence : il y en avait toujours trois ou quatre dans mon champ de vision. Mais ils semblaient ne pas se connaître. Ils ne se saluaient pas, ne s'arrêtaient jamais pour se parler. Ils passaient, simplement. La filature était à la fois facile (je ne les perdais jamais de vue), déroutante (je ne savais jamais si l'homme que je voyais était toujours celui que j'étais en train de suivre) et épuisante (ils ne s'arrêtaient jamais). L'humanité se métamorphosait sous mes yeux. Il me semblait que ces hommes en noir, de plus en plus nombreux, prenaient la place des gens que je voyais ordinairement sans les voir. Mais là, je ne voyais qu'eux. Cela devenait effrayant. D'autant plus que les gens « normaux » n'avaient pas l'air de s'émouvoir. Ils vivaient leur vie, voilà tout.