Mardi 8 juillet 2008 à 12:16


Brume sentit la main de Mirabelle sur son épaule. Il ne l'avait pas entendue s'approcher. Et elle demanda :
- Nébu, dis-moi, ce que l'on veut, ce que l'on pense, ce que l'on aime, est-ce qu'on peut jamais le savoir ? Je veux dire le savoir vraiment, avec certitude ?

- Mirabelle, tu me parles : tu as donc la volonté le faire ; et tu ne penses pas à rien en ce moment. Et puis moi, tu ne m'aimes pas ?
Mirabelle sourit, mais retira sa main de l'épaule de Brume.
- Bien sûr que je t'aime, mon vieux Nébu, mais ce n'est pas du tout la même chose. Non. Décidément, tu ne comprends pas ce que je veux dire.
Brume perçut dans cette dernière remarque ce ton de désespoir légèrement agressif auquel Mirabelle l'avait habitué. Pourtant, comme d'habitude, il avait très bien compris. Et comme d'habitude il n'était pas tout à fait d'accord.
- Ce que tu veux, ce que tu penses, ce que tu aimes, ma chère Mirabelle, jamais tu ne le sauras. Dans cette vie, il y a toujours quelque chose qui nous échappe et, comme par hasard, il s'agit de l'essentiel. Alors, ce que l'on veut vraiment, au-delà de tous nos petits vouloirs,  ce que l'on pense vraiment, au-delà de tous nos fragments de pensées, ce que nous aimons vraiment, jamais nous ne le saurons. C'est le grand secret de notre vie. Il échappe complètement à celle ou celui qui aurait le plus de légitimité à le savoir.
- Ce n'est pas vrai. Tu mens. Il y a des gens qui le savent. Et toi aussi certainement. Je suis bien la seule à être aussi dispersée, aussi incertaine, aussi imprévisible, aussi désespérément faible quand je voudrais être forte, défiante envers ceux qui m'aiment, terrorisée sans motif, méchante quand je voudrais tellement être bonne.
- Décidément, Mirabelle, il y a toujours un moment où tu finis par me traiter de menteur. Pense-le, si tu veux. Tu sais, on peut facilement donner l'impression qu'on est fait tout d'une pièce, on peut assez facilement s'en convaincre soi-même. On devient alors une sorte de héros de bande dessinée. On se met en scène dans un monde qui n'est plus qu'un décor, où les autres ne sont plus que les faire-valoir de nos illusions.
- Mais alors dis-moi pourquoi, moi, je suis si malheureuse, tellement plus que tous les gens que je vois tout autour de moi.
- Qu'en sais-tu, Mirabelle ? Nous avons tous une plaie secrète. Mais à propos de ce secret, j'aimerais te raconter une histoire.

A suivre.

Dimanche 6 juillet 2008 à 11:40




Samedi 5 juillet 2008 à 12:19


Petit matin, frais printemps du jour, longtemps perdu, presque oublié, mon temps secret, je te retrouve aujourd'hui. Aucun bruit dans la maison. Détaché de ceux qui dorment, l'esprit alerte, ayant reçu ma consigne des songes de la nuit, j'attends, prêt à écrire, le jour qui s'annonce : l'aube est le berceau des idées neuves.
En tendant l'oreille, la fenêtre ouverte, je perçois les fins bruits d'une vie qui n'est pas encore celle de tous.
Le paysage demeure incertain. Le soleil n'est pas levé. Pour quelques instants encore, l'équilibre subsiste entre la pâleur du dehors et la lumière du dedans. Mais c'est encore la feuille blanche, sous mes yeux, qui m'éclaire.


Vendredi 4 juillet 2008 à 10:33




Jeudi 3 juillet 2008 à 10:25


Brume songeait, laissant son esprit vagabonder comme un poisson glisse entre deux eaux. Il formulait de brèves questions du bout des doigts et les réponses d'un interlocuteur invisible s'enchaînaient sous ses yeux, comme de noirs  filaments de souffrance.
Les gens portent ça en eux. Et quand ils entrouvrent  les placards de leur vie, ça sort. Ce n'est pas mortel. Certains prétendent même que c'est seulement dans la tête : un petit effort et on n'en parle plus.
C'est juste une entrave qui freine un peu la vie...
Mais d'invisibles mâchoires, y sont embusquées qui mordent au hasard.


Sous les yeux de Brume, donc, se formait une parole silencieuse et sans visage. Sous l'alignement des mots sans voix se disait le dit :
- Quelles sont ces mâchoires qui me lacèrent ? Quels sont ces corps froids qui me frôlent ? Et pourquoi ne puis-je jamais me tourner du côté de mes blessures ni même les effleurer du doigt ?
- Quelles blessures ? Allons, allons, tout va bien. Qui pourrait dire le contraire ? Le soleil brille dans le ciel, tu prospères. Rien qui puisse faire un malheur légitime. Si tu savais ce qu'ils endurent ceux qui sont vraiment malheureux, comme tu aurais honte de te plaindre !
- Et pourtant, et pourtant… Soit. Je veux bien te croire, je veux bien faire un effort. Voilà. C'est ça le bonheur, oui, c'est ça le bonheur, c'est ça le bonheur, c'est ça le bonheur, c'est ça le bonheur, c'est ça… Vois comme je danse, vois comme je danse !
- Oui, songeait Brume, tu danses, belle jeune fille, mais je vois tes  pieds qui saignent.

Epuisé Brume alla se coucher. Il dormit sans rêve. Ou plutôt, il n'en fit qu'un.
Les quatre cent mille éclats du monde s'étaient encore éloignés de quelques centimètres et bientôt on ne pourrait plus sauter de l'un à l'autre.
Le lendemain, bien que le soleil levant fût beau comme jamais, il était comme vidé de sa substance et sentait derrière ses yeux le poids des larmes.


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