Le monde intérieur que nous portons en nous est aussi profond et complexe que l'univers réel. C'est un potentiel extraordinaire que chacun met en valeur à sa manière, les un plus, les autres moins. Et pourtant, en présence des autres, nous ne sommes pas curieux de cette richesse ; nous nous en protégeons au contraire, faisant comme si cela n'était pas. Un inconnu ne doit offrir de lui que sa surface extérieure lisse et opaque. Quelqu'un nous adresse-t-il la parole dans le métro, nous nous raidissons ; solitaires bien souvent et malheureux de l'être, nous nous dérobons au contact d'autrui.
C'est ainsi que nous faisons dans la vie ; mais, dans les blogs, c'est exactement l'inverse qui se produit. La présence physique des autres nous est épargnée ; en revanche c'est par une fenêtre directement ouverte sur leur monde intérieur qu'ils se donnent à voir. Cette approche paradoxale ouvre un espace relationnel nouveau et redonne sa chance à un sentiment qui semblait en perte de vitesse : je veux parler de l'amitié. On n'osait plus guère s'en réclamer, on doutait même de son existence : un brin passionnée, on la soupçonnait de n'être qu'une relation amoureuse inavouée ; anodine et festive, elle semblait condamnée à se dissoudre dans la bruyante convivialité des « potes ». Pourtant, la voilà qui ressurgit, bien vivante, pleine de santé, dans les commentaires, les tags et les articles de nos blogs.
A vrai dire, je ne m'y attendais pas en postant mon premier article. Or, en quelques semaines, le jeu des articles, des commentaires et des liens m'ont mis en présence de personnes qui comptent aujourd'hui pour moi, alors même que je ne les ai jamais rencontrées, que je ne les rencontrerai probablement jamais. Ils stimulent ma réflexion, me provoquent, me donne envie de les connaître mieux et de leur témoigner estime et admiration. Mon blog leur doit beaucoup.
Une telle possibilité d'établir des relations indépendantes de la proximité géographique, du travail, de l'action militante, des relations familiales ou même des affinités idéologique était inconcevable auparavant. Mais surtout, qui aurait pu imaginer que des inconnus puissent entrer en relation de journal intime à journal intime ! C'est le paradoxe du blog : ce qu'on y dépose, à la portée de n'importe qui, c'est justement ce qui a peu de chance de sortir, d'être même formulé devant les partenaires courants de la vie quotidienne, parce que… c'est trop personnel, ou sans intérêt apparent. Les choses se passent comme si dans la blogosphère, la notion de secret avait un autre sens que dans le monde vrai, ou n'avait carrément plus cours.
En quelques semaines sur Cow, j'en ai plus appris sur certains aspects de la vie des gens que pendant des décennies de vie « réelle » au contact des autres, je veux dire dans le déni de leur intériorité.
que-vent-emporte
Fou qui trouve assez bleu l'azur
Vendredi 13 octobre 2006 à 17:47
Commentaires
Par maud96 le Vendredi 13 octobre 2006 à 20:45
C'est vrai... c'en est même parfois "indiscret" et des fois on ne met pas de coms parce qu'on se sent "intrusive", "voyeuse" dans un blog... ou qu'on ne sait pas comment répondre au malheur ressenti par d'autres...
Par le Vendredi 13 octobre 2006 à 22:48
La stimulation dans l'échange, voilà le plus excellent des moteurs d'un blog je pense.
Mais attention tout de même, il ne faut jamais oublier que les fenêtres ouvertes ne sont que celles à qui l'on a donné l'autorisation de s'ouvrir ; ce sont peut-être même les fenêtres dont les volets sont mi-clos et qui laissent apparaître d'étranges ombres chinoises dans les pièces... Rester lucide et se prendre au jeu, deux manières d'appréhender le monde virtuel pour un jonglage inoffensif.
Mais attention tout de même, il ne faut jamais oublier que les fenêtres ouvertes ne sont que celles à qui l'on a donné l'autorisation de s'ouvrir ; ce sont peut-être même les fenêtres dont les volets sont mi-clos et qui laissent apparaître d'étranges ombres chinoises dans les pièces... Rester lucide et se prendre au jeu, deux manières d'appréhender le monde virtuel pour un jonglage inoffensif.
Par le Vendredi 13 octobre 2006 à 23:44
Oui...Tu parles toujours très bien des blogs,je trouve.Des choses que je ne remarque pas.merci pour ça =)
Je crois que sur internet il est plus simple de laisser les gens nous connaitre,parce qu'ils ont un acces direct à la pensée,la nôtre,qui est plus facile à exprimer en écriture qu'en paroles...Enfin,ce n'est que mon point de vue. Même si des fois,même à lécrit les mots manquent.
Je crois que sur internet il est plus simple de laisser les gens nous connaitre,parce qu'ils ont un acces direct à la pensée,la nôtre,qui est plus facile à exprimer en écriture qu'en paroles...Enfin,ce n'est que mon point de vue. Même si des fois,même à lécrit les mots manquent.
Par le Samedi 14 octobre 2006 à 17:47
Comme le dit esprit-libre, tu nous apprend beaucoup de choses sur les blogs que nous ne percevons pas. Ou alors si, mais vite fait. Toutes ces petites choses soit je ne les vois pas, soit je n'y fait pas attention, soit je n'arrive pas a mettre de mots dessus. Merci de le faire pour moi : )
Par le Jeudi 30 novembre 2006 à 21:15
Je relis cet article. Je t'ai accueillit sur Cow. Je suis vraiment contente que tu t'y plaises. Au moins je profite de tes écrits maintenant =]
Par le Vendredi 3 décembre 2010 à 21:31
Cocasse de se dire que, finalement, on s'est rencontrés Nulle Part.
Ajouter un commentaire
La discussion continue ailleurs...
Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://que-vent-emporte.cowblog.fr/trackback/1224649