Lundi 14 juin 2010 à 17:21

 

Je suis le pivot de l'univers, l'unique point fixe, oui, c'est ça que je suis, se disait Barnabé

Ça  bouge, ça bouge, mais moi, im-mo-bi-le je suis . Le centre de l'univers, il est là, trois centimètres en arrière de mes yeux, au sommet d'une pyramide équilatérale dont la base est définie par mon oeil gauche, mon oeil droit et le bout de mon nez.
Le matin, mon lit se désolidarise de moi; le monde bascule d'un quart de tour; debout, tant bien que mal j'essaie de compenser en marchant les mouvements désordonnés de la maison.
Ils me disent, les gens : Barnabé, c'est pas vrai ce que tu dis, là, c'est juste toi qui as bougé. Tu as tourné la tête.
C'est ce qu'ils croient ces imbéciles. Même pas capables de se rendre compte que c'est le monde qui a pivoté et que le bas de mon corps solidaire du monde par l'intermédiaire du placet de ma chaise a tourné avec. Mais ma tête, justement, ma tête, elle est restée d'une sublime, absolue et parfaite immobilité.

Et tac !

Samedi 12 juin 2010 à 14:48

Qui a fait ça !?

Si cette question provoque chez vous un frisson d'angoisse, vous savez déjà où je veux en venir.

Evidemment que c'est vous qui avez fait "ça". Bien sûr, vous n'avez pas fait exprès... enfin, si, mais vous ne pensiez pas que ça prendrait une telle ampleur...

Et vous vous défendez mollement : oui, je l'ai fait, mais "ça" ne me ressemble pas, vous le voyez bien, vous me connaissez... Tout de même, vous ne me croyez pas capable de...

Bah ! Ne vous fatiguez pas, il n'y a aucun doute, c'est bien vous ; sans vous "ça" ne serait pas arrivé. Il ne vous reste qu'à retourner votre embarras contre vous-même, à sonder vos propres motivations, à analyser soigneusement les circonstance : mais comment "ça" m'est-il venu ?

Oui, en effet, je voulais bien faire quelque chose, quelque chose qui soit bien de moi, qui me ressemble, qui fasse plaisir, qui ne dérange pas, qui ne me mette pas en cause, et voilà que je me retrouve avec "ça".

Va falloir faire avec, sauf que "ça" me dépasse complètement. Que voulez-vous... J'en ai accouché comme d'une sorte de monstre, cela m'a échappé c'est sorti de mon contrôle. Mais voilà, "ça" m'a définitivement marqué et maintenant, je ne suis plus que l'ombre de "ça".

Pas facile d'être un artiste !

Jeudi 10 juin 2010 à 18:34

Un jour, comme il voyageait, s'étant arrêté dans une ville qu'il croyait n'avoir jamais vue, Il eut la conviction d'y être déjà venu et d'accéder tout en marchant à un fragment oublié de sa propre mémoire. Les maisons conservaient un aspect inconnu, mais pourtant, quelque part en dessous, il réagissait à une trame sous-jacente. Et il se sentait guidé dans ses pas.

Aussitôt il conçut l'image d'une tonnelle ombrageant une terrasse en contrebas d'une rue, et il se rappela cinq minutes, cinq minutes banales en apparence : celles qu'il avait passées là-bas le temps de s'asseoir, d'échanger quelques paroles amicales, de commander deux verres d'épais vin blanc, de boire, de payer de repartir.

Il désira fortement revivre ces cinq minutes dont la clé venait de lui être restituée.

Il marcha assez longuement, tournant à droite, puis à gauche, suivant son inspiration, se sachant secrètement conduit, et il finit par arriver. Il éprouva aussitôt dans toute son intensité la surprise qu'il avait eue, quarante ans plus tôt de découvrir ce lieu si précieux dans un quartier si quelconque.

Cinq minutes de sa vie lui furent ainsi rendues ; des jours et des jours lui furent nécessaires ensuite pour en exprimer toute la substance.

 

 

Mercredi 21 octobre 2009 à 11:03

On ne lui avait donné qu'un tout petit prénom, comme si elle était appelée à n'être qu'une gentille petite, toute sa vie.
Insignifiante. On aurait pu tout aussi bien l'appeler "insignifiante", si cet adjectif pouvait faire un prénom.
Un prénom comme le nom d'un animal familier.
On t'aime bien, ça oui !, mais à condition que tu ne revendiques jamais pour toi une existence à part entière.
Va, petite, ton destin est scellé.

 

Mardi 20 octobre 2009 à 10:25


Et si tout ça n'avait été qu'une illusion ?

Et si la civilisation n'était qu'un château de glace que quelques degrés de réchauffement de l'air ambiant peut réduire en eau et disperser à travers le sol desséché ?

Une parenthèse.

Nous sommes des individus effarés, nous ne comprenons rien au destin de notre espèce. Nous croyons être propriétaires d'un morceau de pelouse et d'une petite maison dans la banlieue d'une grande ville, et puis en quelques semaines, en quelques jours, rien de tout cela n'a plus d'importance. Alors on reprend la route des premiers ancêtres, laissant tout derrière soi comme en plein désert l'on se détourne d'un puits sans eau.

Peut-être est-il dans la nature des hommes d'errer en troupeaux parmi les décombres de leurs rêves.

Réfugiés, naufragés, clandestins, vous n'êtes que les premiers.

Notre vraie culture est celle du désastre.


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