Mardi 12 décembre 2006 à 23:24


Il sortait, l'égaré, d'une de ces poches de nulle part qu'ignoreront toujours ceux qui se fient un peu trop à l'apparente compacité du monde. Né au pied d'un arbre, sorti béat benêt de l'humus noirâtre, il avait certes forme humaine et pouvait passer pour tout un chacun, à cela près qu'il était nu et couvert de terre comme une racine et ne parlait que sa langue à lui, la plus subtile pourtant, puisée au vaste puits commun où se désaltèrent toutes les âmes errantes. Il ne se cachait pas. Evoluait tout près des villes, toujours visible mais jamais vu, toujours dans les intervalles et dans les creux, dans ces espaces désertés que les hommes délaissent tout autour d'eux jusqu'à les oublier. Fonds de placards, bibliothèques poussiéreuses, sombres églises, jardins enclos et sauvage, bois déserts à la lisière des villes. Tous ces lieux où jamais ne se pose aucun regard, que nul pied ne foule, que n'effleure aucun doigt. Il restait là, toujours attentif,  les yeux ouverts, l'oreille tendue, baigné dans le grand poème du monde, cette grande chanson des origines, des temps anciens où le corps mourait dans la force de l'âge, où la vie se payait cher, où il ne fallait pas tarder à céder sa place, où l'on n'avait pas le temps de bâiller d'ennui, ou chacun collait à son destin.
Lui, l'égaré, percevait le réel des autres à sa manière.  Non pas les choses, mais leur usage et leur sens ; non pas les gens d'abord, mais les liens entre les gens, liens de dépendance, de séduction, de domination, de mépris. Liens tendus, ou relâchés, liens solides ou liens brisés. C'est pourquoi le monde des hommes lui apparut d'emblée sous la forme d'un enchevêtrement de fils noirâtres, d'un entrelacs désordonné et proliférant. Chacun portait avec soi le fardeau de tous ces câbles, sans même les voir. Liens arrimés dans l'âme, liens enserrant les membres, liens saignants sciant les chairs, cordes et chaînes que les hommes se passent eux-mêmes au cou. Ils s'épuisaient sans le savoir, noyés dans cet amas de contraintes asphyxiantes, impossibles à distinguer les uns des autres.
Ils se croyaient libres, faisaient valoir des droits, en appelaient au bonheur. Mais lui, il les voyait à sa manière, tout d'un bloc, comme un unique et énorme animal sans tête, un grouillement sans ordre, un épuisement immobile. L'humanité se survivait à elle-même sans les  hommes et sans mémoire ; tout ce qui restait à voir de cette idée, de cette tentative, de cette occasion perdue, c'était ce grotesque animal, cette masse de liens, cette tumeur proliférante.
Il était nu, l'égaré, sale et déjà guetté par la mort, mais, pour l'heure, il dansait sans toucher le sol, comme s'il avait des ailes.


Par Plaiethore le Mercredi 13 décembre 2006 à 11:29
Je veux le connaître LUI !
Par capric3-dun-j0ur le Mercredi 13 décembre 2006 à 14:31
* avoir des idées
* les mettre en ordre
* rendre ses phrases attrayantes pour le lecteur

c'est ca le secret d'une histoire?
Par capric3-dun-j0ur le Mercredi 13 décembre 2006 à 17:30
Ah ouais =) . J'sais pas trop quoi dire d'autre . J'ai le cerveau ramoli de mon rhum =( .
Je loupe mon cours de flute, mon cours de piano et l'orchestre pour cause de maladie , je suis énervée !
Par capric3-dun-j0ur le Mercredi 13 décembre 2006 à 18:21
Oui effectivement le rhume pas le rhum..
Je vais aller faire mes devoirs de francais.
Comme j'aime ca =)
Par Plaiethore le Jeudi 14 décembre 2006 à 10:07
Sympa l'idée du pot :D
Par Plaiethore le Jeudi 14 décembre 2006 à 10:47
Je ne sais pas Jean, je ne sais pas...
Un pot virtuel, en attendant, c'est déjà joli comme geste.
Bonne journée l'ami.
Par run.a.mile le Jeudi 14 décembre 2006 à 14:30
parce qu'il faut bien que je me lance... J'ai parcouru ces lignes avec attention. J'ai aimé sans savoir pourquoi, peut être parce que ton histoire est faite pour se lire à l'oral... Oui je l' ai lu à voix haute parce que j'aime entendre les mots, pour qu'ils résonnent encore et toujours à mes oreilles... pour ne pas les oublier. On dit bien souvent que les paroles ne sont que du vent, mais les miennes ne le sont pas. Je lis un texte pour sa musique et pour la mélodie des sons... bien sur tout dépend du texte, mais celui est poétique, empreint d'images qui se donnent à voir et à entendre...
Le thème aussi m'a plu... là j'écris sur le vif, les impressions ne sont que celles d'une première lecture... mais l'égaré m'a semblé familier comme si je l'avais déja rencontré. Au détour d'un rêve peut être.
J'ai une question : au final, est ce que l'égaré est un symbole?
Par maud96 le Jeudi 14 décembre 2006 à 18:56
L'humanité est une fourmilière informe et grouillante... et lui, l'égaré, la voit, cette fourmilière... J'ai souvent imaginé que j'étais une fourmi, que pourrait écraser un Géant, comme j'ai dû en écraser des centaines....mais que la fourmilière continue, obstinée, si Bête... Lui, l'égaré, devine-t-il où çà va, ce magma ?
Par monochrome.dream le Samedi 11 décembre 2010 à 21:05
"Pourquoi les hommes se battent-ils pour leur esclavage comme si c'était leur liberté ?"
Une phrase de Deleuze, lue un jour dans son petit livre sur Spinoza. Elle me vient souvent à l'esprit...
 

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