Mardi 22 mai 2007 à 20:13



J'ai un peu perdu le fil de mon écriture ces temps-ci, alors je me rattrape avec quelques photos.

C'est assez bizarre pour moi, la photo. Avant de créer ce blog, je n'en faisais qu'un tout petit peu, comme tout le monde : photos de famille et souvenirs de voyage. Autant dire que pour la technique je suis parfaitement nul. Mais j'ai un bon appareil. Si « mes » photos vous plaisent, pensez à lui, car c'est lui qui fait presque tout le travail.
Quand j'ai commencé ce blog, je me suis très vite rendu compte que je ne pouvais me borner à aligner des textes les uns après les autres, alors je me suis un peu forcé. Et là, il s'est passé quelque chose : une découverte à laquelle je ne m'attendais pas du tout. Je croyais avoir en main un simple capteur de lumière, un enregistreur de réalité ; et j'ai découvert un instrument capable de métamorphoser le regard, un œil intentionnel et désirant. La photo est devenue bien plus qu'une image : le support d'une émotion rendue perceptible par la stimulation du regard.
A la surface des choses le regard photographique relève des signes, mais ces signes renvoient à une expérience intime; c'est vers le monde intérieur qu'est tourné l'objectif du photographe.
Je ne sais pas très bien comment dire cela, mais je distingue nettement deux états du regard. Le premier enregistre passivement les caractéristiques de l'espace environnant, il nous évite de tomber dans les trous, de nous cogner aux arbre, de nous faire renverser par les voitures. Le second, mû par une certaine excitation intérieure, est continuellement en quête de correspondances, de solidarités entre le dedans et le dehors, par lesquelles ce monde où nous sommes devient profondément, intensément, notre monde.
Quand je me promène, pas trop vite, sur mon vélo, je laisse flotter mon désir et je me rend disponible à tout ce qui peut faire signe. Je fais semblant de rien, mais je demeure attentif, et presque toujours quelque chose finit par m'accrocher : un parterre de fleurs, un nuage, une flaque d'eau, un jeu de couleurs, un arbre. Je m'arrête.  Effectivement, je découvre là comme le miroir d'une émotion. Je capture le reflet, calmement.
Ensuite, en retrouvant la photo sur mon écran, je revis l'émotion originelle, et je peux tenter de la comprendre.
Pas besoin de réfléchir longtemps pour se rendre compte qu'il y a un rapport étroit entre cet état du regard et l'écriture. Sur le même chemin, l'écriture prend le relais du regard désirant et pousse plus loin le voyage. La photographie recueille des signes ; l'écriture recompose le monde. Mais leur référent essentiel à toutes deux, ce sur quoi elles reposent et ce qu'elle disent en fin de compte, c'est quelque chose que nous cherchons au fond de nous.

Bon, c'est très bien tout ça. Je suis très content que vous aimiez mes photos, mais n'exagérons pas : elles sont peu audacieuses et très conventionnelles. Je me sens nettement plus à l'aise avec les mots.
Et puis, je serais tout de même vexé si l'illustration finissait par éclipser le texte !


Par LaPetiteSarthoise le Mardi 22 mai 2007 à 23:10
Tes photos sont très belles, et ton écriture magnifique. J'espère que ça te rassure ;)

J'aime :)
Par mahe le Mardi 22 mai 2007 à 23:17
Oh
dans cinq ans ce sera un autre chagrin d'amour.
Par loopie-appleface le Jeudi 24 mai 2007 à 10:05
C'est bel et bien dit, tout cela.
C'est à peu près comme cela que je ressens le dessin. C'est une manière de transformer, plutôt, d'aménager la réalité, les couleurs et les formes. De glisser de la perception personnelle dans la vision.
J'aime beaucoup. Mettre des sentiments dans ce que l'on voit et ce que l'on veut montrer. Deux personnes ne verront jamais la même chose de la même manière, c'est là la richesse de la photo et du dessin.
L'écriture, ah ah. éclipser ton écriture? ah ah ah. Je ne pense décemment pas que ce soit possible.
Quand tu écris, je fais plus que lire, je tente (et parfois j'arrive) de comprendre.
Plus que le sens des mots, plutot ce qu'il se cache derrière, l'intention qui fait que tua s utilisé cette définition plutot qu'une autre.
Voilà voilà.
Par a.fleur.de.curiosite le Samedi 26 mai 2007 à 10:48
Le mérite revient peut-être en partie à ton appareil, mais je n'oublie pas cet article qui m'avait laissé très pensive où tu disais que la photographie part de soi et révèle l'état de son regard. Tes photos gardent une certaines réserve, mais ce qui me plaît quand je les vois c'est la direction que ton regard a pris pour capturer une image, même conventionnelle, et de t'imaginer en train de saisir cet instant, imaginer pourquoi cet instant là et pas un autre, pourquoi cette manière là et pas une autre.
J'ai apprécié ce parallèle entre l'écriture et la photographie, et le plaisir et la découverte que tu décris de cette dernière. Et je crois que tu peux être rassuré, tes photographies ne peuvent éclipser tes mots, je serai même tentée de dire qu'elles ne peuvent pas rivaliser avec eux. En tout cas, à mes yeux ça me paraît presque impossible.

M.
Par emyagony le Samedi 26 mai 2007 à 15:20
Le tout est de conjuguer et illustrations et textes! Ca c'est difficile, mais une image peut retranscrire un texte et vice versa! Voila toute la subtilité! ;) Ceci dit, continue bien autant avec les photos qu'avec les textes j'en raffole! :)
Par monochrome.dream le Mardi 8 mars 2011 à 18:07
Je pensais justement à la photographie, ces derniers temps. Beaucoup. Celle qu'on regarde, d'abord, et puis celle que l'on fait, et enfin, celle que l'on veut faire, celle que l'on cherche à faire mais qui reste interdite, impossible.
Je pensais à l'image des visages qui esquissent un sourire et ne le finiront jamais. Ces images-là sont une injure. Elles stimulent en nous quelque chose de vivant mais si l'on s'y attarde, ce quelque chose reste en attente, il est condamné au suspend, le sourire ou l'expression familière du visage n'aboutiront jamais. C'est une immense tension, frustrante et qui s'alimente de l'attente, et qui, de tant de désir, finit par déformer ce que l'on voit.
J'ai pensé aussi à ce que je photographie en général. Ce sont des lieux, des détails, jamais des gens, ou pas pour le plaisir. J'aime les silhouettes, aussi, mais les silhouettes comme les ombres comme les reflets ne sont jamais des gens, on les devine simplement, elles se donnent dans le même temps qu'elles se retirent, et la permanence de l'image s'en trouve brisée, entraînant avec elle la douloureuse attente que je lie aux mains, aux corps et aux visages.
Enfin, j'ai réfléchi sur ce que j'aimerais photographier : des oiseaux, des animaux qui courent, du mouvement mais sauvage, bestial ou des feuilles portées par le vent, ou la lune, ou bien l'éclair d'un orage mauve. Pourquoi cela et pas des gens ? Je n'en n'ai aucune idée. Peut-être histoire histoire de prolonger les exclamations de mon coeur à ces spectacles ? Si je pouvais, oh j'offrirais des bouquets d'images d'oiseaux à ceux que j'aime ! Il manquerait leur chant, c'est vrai. Mais quand il fait si gris et que le quartier se tait tant, si j'ouvre le google image à la page des oiseaux, les photos que j'y trouve me font pépier le coeur.
Par monochrome.dream le Mardi 8 mars 2011 à 18:09
(c'est "suspens" et pas "suspend", excuse-moi pour la faute, tu m'avais déjà reprise là-dessus en plus, et je ne me suis relue qu'une fois le commentaire posté)
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://que-vent-emporte.cowblog.fr/trackback/1928211

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast