Il grimpait, un pas après l'autre, sans trop se fatiguer. Déjà l'aube s'annonçait discrètement: une tache plus claire au sud-est faisait comme une vague fenêtre au bout d'un couloir obscur. La neige était profonde. Il s'arrêta une première fois, s'essuya le front et resserra les attaches de ses raquettes. Le jour était encore loin, mais l'obscurité cédait peu à peu; les arbres tout autour se détachaient de l'ombre.
Il se remit en route. La blancheur encore éteinte du paysage commençait à parler; la surface de la neige gardait en mémoire les frôlements et les drames de la nuit. Ici, un cerf était passé ; là les traces d'un chien errant (d'un loup ?) recouvrait en partie celles d'un chevreuil : le prédateur patient et tenace avait peut-être déjà rejoint sa proie. Un peu plus loin, quelques plumes à la surface de la neige et trois gouttes de sang ...
La montée était longue, les raquettes enfonçaient un peu trop. Le marcheur s'essoufflait. Il s'arrêtait plus souvent, il devenait un peu maladroit, effleurait parfois les branches des sapins chargés de blanc. Il sentait une morsure glacée dans son cou quand un nuage de poudreuse tombait sur ses épaules. Il fallait qu'il atteigne le sommet avant le lever du soleil. Il le devait, absolument.