Vendredi 20 octobre 2006 à 16:37


Glose

Il y en a, du monde, dans la carcasse de ce pauvre Barnabé ! Et pourtant, il est beaucoup moins peuplé que chacun d'entre nous. Eh oui ! Désolé de décevoir tous ceux qui aiment à croire ce qu'on répète bêtement partout, mais cette idée tellement rebattue d'une personnalité unique, solide et même simplement cohérente est une pure illusion. Tous les adolescents angoissés qui s'épuisent à découvrir qui ils sont vraiment se fourrent le doigt dans l'œil. Ils voudraient se rassurer, savoir qui ils sont et où ils vont, et ils retrouvent comme une bille en équilibre sur un ballon de football, incapables de savoir dans quelle direction ils vont rouler. C'est qu'à l'intérieur de nous, ça part toujours dans tous les sens ; une personnalité, c'est chatoyant, ramifié, proliférant, et ça se contredit à journée faite ; pendant qu'une partie de soi tente de se concentrer sur un problème de math, il y en a toujours une autre qui vous glisse des insanités dans l'oreille (et le pire, c'est que parfois la solution s'en vient par là !). Si je prends le temps de m'examiner, je me reconnaîtrai aussi bien dans cet espoir de la Littérature, de l'Art, de la Science, du Sport, de la Finance, que j'aspire à être, que dans cette éponge noyée de bière, ce légume affalé devant la télé, ce tabagique honteux, que je suis. Je me retrouve à la fois maître(sse) et esclave, raisonnable et bouffon. Je dégouline de bons sentiments, mais, au moment où je m'y attends le moins, j'entends gronder l'intolérance et le rejet tout au fond de moi.

La seule question valable n'est donc pas : « Qui suis-je ? », mais bien :
« Comment faire tenir tout cela ensemble ? »  En vérité, le mot personnalité ne désigne pas l'unité de l'être profond, mais l'effort que nous devrions accomplir en permanence pour donner une cohérence à toutes ces forces, en agissant sur chacune d'elle pour que leur résultante ne nous plombe pas sur place ou ne nous envoie pas dans le mur.

C'est décevant pour tous les flemmards qui aspirent à se réveiller un beau matin tout construits – de préférence géniaux et promis aux plus grands honneurs – avec en plus une garantie de cent ans sur l'intégrité du produit ; c'est fabuleux pour tous ceux qui n'hésitent pas à mouiller leur chemise, parce que le champ du possible est vaste et qu'un brin de finesse et de volonté permet des merveilles à partir de pas grand-chose.


Par Plaiethore le Vendredi 20 octobre 2006 à 17:59
Une réflexion décevante pour les flemmards, geignards, incompris, mais ô combien délicieuse pour les volontaires.
Ouh que j'aime ce développement !
Par desillusion le Vendredi 20 octobre 2006 à 22:45
Je voudrais commenter intelligemment mais là je suis trop crevée... alors merci BEAUCOUP pour tes coms qui me font toujours très plaisir et je reviendrais commenter un peu plus "fraîche" et dispo. Bonne nuit.
Par maud96 le Vendredi 20 octobre 2006 à 22:59
Je pense (en tout cas c'est mon cas) que pour "faire tenir tout ensemble", l'homme souvent se perd en petits projets "de poche" vite faits (un achat... ou une rédaction d'article sur un blog) qui le rassurent sur son existence pendant leur exécution... Une fois ce projet derrière lui, l'homme se retrouve en effet bien seul et un peu désarticulé...
Merci de ton long com sur la législation du travail pour les enfants en Suisse : ajout intéressant (et finalement assez proche du Canada)!
Par Marko.N.A le Samedi 21 octobre 2006 à 0:57
Mon premier ciné ce fut "Les Robinsons des Mers du Sud" de Disney, un truc complètement introuvable aujourd'hui, je vais tâcher de me mettre à sa recherche sur le ouèbe.
Par desillusion le Samedi 21 octobre 2006 à 11:42
En cours de philo, on a pas mal parlé de la "personnalité", comme quoi on ne parviendrait finalement qu'à une connaissance superficielle de soi (du moins psychologiquement) car toujours en mouvement, en évolution. Et finalement on ne se connaît jamais entièrement... quelque part, c'est peut-être mieux. Ce texte pousse à réfléchir et la chute est formidable. Bien joué Barnabé ;-)
Par a.fleur.de.curiosite le Samedi 29 septembre 2007 à 15:36
Le dernier paragraphe est un régal, surtout les quelques mots entre tirets.
Sinon, on se fourre le doigt dans l'oeil, et c'est peut-être justement cela qui nous fait tellement tanguer sur ce fil, tel un funambule, à la recherche désespérée et, peut-être vaine, de l'équilibre, d'un sentiment d'unité, ou plus simplement, d'une toute petite sensation de sérénité. Je me demande si l'écriture ne peut pas, parfois, permettre une sorte d'homéostasie de l'esprit. On ne libèrerait pas une énergie, on la régulerait. Enfin, je ne sais pas, je me disperse.
Par monochrome.dream le Dimanche 5 décembre 2010 à 22:45
"Comment faire tenir tout cela ensemble ?"
La question est atroce parce qu'elle suppose qu'on ait embrassé d'un regard le "tout cela" et qu'on puisse surmonter les contradictions que cela contient. Alors il faut avoir reconnu, pour chaque contradiction, les deux membres contradictoires comme "devant tenir ensemble", ou au moins "jouer ensemble", ou a minima "appartenir au même ensemble". Et ce n'est pas facile à admette. Il y a des moments de soi qu'on n'arrive pas à intégrer malgré toutes sortes d'efforts. je trouve.
 

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