Communiqué du 29 septembre 2015 émanant du Grand Conseil de l'Univocité,
destiné aux établissements de formation aux compétences
(« écoles » selon l'ancienne terminologie)
(« écoles » selon l'ancienne terminologie)
Il a été décidé(1) que désormais les mots n'auront qu'une seule signification et que sera bannie toute formulation ambiguë, à double ou triple sens. Les métaphores notamment seront proscrite en raison de leur caractère fallacieux. Certaines figures de style dont la liste sera publiée ultérieurement sont tolérées, mais seulement pour faire joli, et à condition que le sens auquel le texte répond ne subisse aucune altération.
Il a été décidé que l'étude universitaire des textes (dans les Instituts de linguistique) aura désormais pour objectif unique de fixer leur sens une fois pour toutes. On escompte que dans un délai d'une dizaine d'année, le sens de chaque texte sera suffisamment établi (sur le modèle des quatrièmes de couverture), pour pouvoir être édité séparément. Lesdits textes deviendront donc superflus et, d'ici quelques années, nous pourrons faire l'économie de l'étude, fastidieuse et inutile, de la littérature.
Les œuvres littéraires inscrites au patrimoine, seront copiées sur des supports indestructibles et rangées dans des abris souterrains à l'épreuve des tremblements de terre et des bombes atomiques.
Rappelons que c'est déjà le cas pour les œuvres d'art qui ont été déposées dans les chambres fortes des principales banques. Leurs valeurs aux cours du marché restent cependant affichéees dans les musées. (Il en est résulté une simplification si considérable des études d'histoire de l'art, que celles-ci, à l'instar de la philosophie, ont été intégrées au programme des Ecoles de commerce.)
Les seuls livres admis seront les manuels scolaires, les ouvrages techniques et scientifiques traduits de l'anglais, les modes d'emploi, les textes législatifs, les publications destinées au formatage du comportement (diététique, activités physique, santé, sécurité, interprétation des rêves), au rappel des croyances tolérables (religions monothéistes, athéisme respectueux, ésotérisme inoffensif et croyances farfelues), à la gestion raisonnée du temps libre (bricolage, cuisine, musique et nature) et à la connaissance du monde (bons et mauvais mode de vie, mœurs pittoresques des temps historiques, interprétations légales du passé).
Un taux incompressible d'ambiguïté est considéré comme inévitable, voire utile, par les spécialistes de la régulation sociale. Une part de n'importe quoi sera donc tolérée, à condition toutefois d'être entièrement prise en charge par l'industrie de l'audiovisuel et du divertissement et d'être dûment étiquetée : « marchandise » ou « merde en pot».
Le marché du roman est laissé libre ; la tendance à la médiocrité qui le caractérise est le meilleur gage de l'évolution du genre vers le récit de vie cucul la praline et le roman de gare inoffensif, avant sa complète extinction.
Publication contrôlée par la Commission de l'Univocité.
Contenu validé par sondage d'opinion selon le critère d'indifférence
(91,87 % d'indifférents).
(1) Formule tenue pour suffisante (Loi du 29 février 2012 visant à la promotion des processus sans sujet et à la passivation des énoncés).