Jeudi 12 février 2009 à 17:45


Entendu à l’instant à la radio, sur une chaîne se réclamant de la réflexion et de la culture, ceci : 
« Bientôt notre frigo décèlera tout seul que sont en passe de manquer le beurre ou les carottes et procédera lui-même à la commande… » Cela s’appelle l’ « Internet des objets », disait la dame.
La première réaction de M. Brume fut de se dire, presque sans ironie : « Le monde va de l’avant ! »
Rassurant d’entendre cela en temps de crise, pensait la partie la plus archaïque de son cerveau. Si nous sommes à la veille d’un tel prodige, quelles autres merveilles nous attendent demain ? Pendant quelques secondes il se surprit même à reprendre confiance dans cette brave vieille civilisation occidentale gréco-latino-judéo-christiano-scientifique et technique.
Mais il se ressaisit assez vite.
D’abord, est-il si difficile d’aller regarder dans son frigo s’il reste encore assez de beurre ? Est-il si difficile de noter sur un morceau de papier ce qui manque et d’aller se mêler un instant au reste du monde pour faire quelques achats ? Est-il bien là, le progrès ? Oui, bien sûr, c’est du temps libéré. Ah ! le bel argument. Du temps libéré, certes, mais pour faire quoi ? Pour mieux rester chez soi devant sa télé ?
Ou alors n’est-ce pas plutôt parce que les contraintes d'un travail le plus souvent absurde nous empêchent de procéder aux actes les plus élémentaires de la vie quotidienne ?
Qui a dit qu’il était forcément nuisible ou dégradant de sortir de chez soi, faire ses courses, de cuisiner, de manger ensemble, de bavarder et de faire la vaisselle ?
Ce progrès censé nous libérer - ainsi que partout l’on répète - n’est-il pas plutôt en train de nous expulser de notre propre vie ?

Et Brume se prit à rêver. Un sage de l’Antiquité, un vieillard de cinquante ans, pouilleux sublime, débarquerait de son lointain passé et se présenterait à sa porte. Brume l’accueillerait avec empressement et, gonflé d’orgueil, soucieux de montrer au grand Ancien à quel point nous avons su faire fleurir son héritage, il lui montrerait son bel ordinateur, lui expliquerait ce qu’est un avion, l’emmènerait faire un tour en autobus et lui parlerait avec émotion des progrès de la médecine. Il lui dirait : « Restez avec nous, restez avec moi, j’ai tellement de choses à vous dire, restez pour faire soigner vos ulcères et rajeunir votre corps fatigué, restez, je vous en prie, restez ! »
Et l’autre le regarderait avec cette tristesse que seule engendre la faillite des plus grandes espérances et lui répondrait, de sa voix douce et tranquille de sage : « Il vous faut donc tout cela pour être des hommes et avoir une vie digne d’être vécue ? En 2500 ans, c’est tout que vous avez trouvé ? Je ne m’attendais pas à cela, quel dommage ! Excusez-moi, Brume, je suis vraiment ravi d’avoir fait votre connaissance, mais je vous laisse. Des amis m’attendent sur l’agora et, moi, je ne veux pas les décevoir ».


Par maud96 le Jeudi 12 février 2009 à 19:59
Quand même, avant qu'il ne reparte jouer le péripatéticien sur l'Agora, je suis sûre que tu lui auras fourni pour la route, tiré du frigo-internet, un sandwich-beurre-jambon-fromage (tu sais, ceux en triangle des gares, sous blister) et une cannette de bière fraîche !
Bel exemple de la sélection des espèces selon Darwin : l'homo œconomicus a chassé et fait disparaître l'homo sapiens...
Par M le Samedi 14 février 2009 à 18:31
Parfois, je m'amuse en faisant la vaisselle. Souvent je chante, mais je n'ai plus de verres, ils n'ont pas résisté (à ma maladresse, pas ma voix!quoi que... ^^). Mais quand même, c'est drôlement plus chouette toutes ces choses quand on vit avec des gens. Je n'ai jamais fait de plus chouettes courses que quand j'étais avec mes amis. Quelles rigolades, dans la voiture, chargés comme des mulets et serrés comme des sardines (nous étions donc des mulardines!^^), profitant de notre trajet du mois parce que seulement deux avaient la voiture et nous proposaient gentiment d'y aller avec eux. Ou alors, quand certains se cachent dans les rayons, ou encore quand on part tous en vacances et qu'on fait les courses en commun et qu'on sait plus où donner de la tête. Et puis comme tu dis, prendre le temps, discuter un peu, tout ça, c'est drôlement chouette. Ce que je voudrais faire, quand je serai grande, c'est aller au marché, parler avec les gens, reconnaître les visages, dire des bêtises dans les couleurs et les odeurs. Bon, je sais bien que ce n'était qu'un exemple pour dire le miroir aux alouettes du progrès. Et j'y suis piégée aussi, mais j'ai aimé les rêveries de Mr Brume. Curieusement, je n'ai jamais rencontré de brouillard qui nous éclairait autant ;-)
Par Samantha.c4 le Mercredi 18 mars 2009 à 23:44
Ce qu'on aspire pour l'humanité, je l'ignore. Mais je ne pense pas que ce que chacun aspire pour soit est vraiment intéressant.
Après, il y a bien des gens qui parlent de la paix dans le monde, et d'autres du bonheur. Mais bon cela semble assez hypocrite. L'humanité n'a jamais été douée, ou simplement motivée pour se tourner vers ce genre d'accomplissement. Une bonne orgie, une arène sanglante, et du pognon fait sur le dos d'autrui, y a que ça de vrai.
Par maud96 le Jeudi 2 avril 2009 à 19:34
Citation d'un petit extrait de cet article sur mon blog.
 

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