A deux pas de chez moi, presque sous ma fenêtre, passe un chemin, aujourd'hui ignoré du grand trafic et abandonné aux promeneurs, aux traîneurs de chiens, aux cyclistes et aux kamikazes à trottinette, un chemin pour aller à pied, qui frôle la lisière des forêts et traverse les champs. C'est le chemin de Paris. Ce nom, parce qu'au carrefour s'y engageaient tous les voyageurs qui, comme Rousseau, gagnaient à pied, à quelque trente jours de marche, la capitale du Royaume de France.
Le monde n'avait pas encore trop rétréci, le temps du voyage était parfois plus long que le temps du séjour à destination, et pourtant, sur ce chemin, les voyageurs se sentaient liés dès le départ à ce but qu'ils ne pouvaient atteindre que pas à pas : Paris s'annonçait dès le début du voyage.
Je pense aussi à cette émotion qui saisit nos pèlerins modernes aussitôt qu'ils mettent le pied sur la route de Compostelle.
Et je me souviens des départs en vacances, avant l'autoroute. L'Océan se trouvait à quatre ou cinq jours d'automobile au terme d'une interminable route sinueuse. Pourtant, sitôt refermée la porte de l'appartement, avant même que la voiture ne démarre, on sentait déjà l'odeur de la mer.