Lundi 8 janvier 2007 à 19:35

Vous avez un peu de temps ? Alors tant mieux ! ça tombe bien. Parce que, justement, je me suis beaucoup interrogé à propos du temps. Pas du temps qu'il fait, mais du temps qui passe (c'est une façon de parler). Au départ je me disais : le temps a tout de même beaucoup d'inconvénients. On en manque toujours ; il nous empêche d'être tranquilles à présent à cause de tout ce qu'il faudra faire demain et les jours d'après. Et ses avantages ? Je n'en voyais pas vraiment.
Et puis je me suis rendu compte que si j'avais bien mal hier sur le fauteuil du dentiste, maintenant, ça va beaucoup mieux. S'il n'y avait pas de différence, alors je serais toujours en train de souffrir chez le dentiste, ou alors je n'aurais aucune raison de penser qu'aujourd'hui je me sens mieux, ou encore je vivrais tout à la fois, ce qui serait bien pire. Au fond, le temps, c'est ce qui nous tient tant bien que mal en équilibre entre deux catastrophes absolues : tout vivre à la fois ou ne rien vivre du tout.
Bon.

Alors je me suis demandé ce que c'était que le temps. J'ai démonté mon réveil, celui qui fait bip bip. Il n'y avait presque rien dedans et je n'ai rien compris, ni au réveil ni au temps. Alors j'ai pris un vieux réveil, comme on n'en fait plus, avec des ressorts et des roues dentées. Et j'ai compris.  Le secret de ce réveil n'est que le long épuisement de la tension d'un ressort. Un réveil, ce n'est rien d'autre que ça, ou presque. Au départ, le ressort est tendu, à la fin il est détendu. Et, du coup, j'ai aussi compris le temps.
Le temps n'existe pas ; ce n'est qu'une façon de voir les choses. Le mouvement, le changement, eux, ils existent ; le temps n'est qu'une manière d'en parler, ni la seule, ni la meilleure.
Ce qui importe, donc ce n'est pas le temps, mais bien le vaste et multiforme mouvement de tout ce qui est là, ici et maintenant.
Cette découverte m'a fait bien plaisir, c'était une belle journée, je n'avais pas perdu mon… bref !
Un nombre incroyables de choses que l'on tient pour si importantes sont parties en fumée dans dans la dissection de mon vieux réveil : l'âge, l'heure, l'efficacité, le rendement, la tyrannie des objectifs, et cette manie que nous avons d'anticiper l'avenir au point de nous interdire le moment présent.
Ensuite, je me suis rendu compte que l'illusion d'un temps unique masquait une infinité de mouvements, de rythmes, de pulsations, de cycles. Le rythme de la montagne n'est pas celui du papillon. La prétentieuse scansion des horloges nous a coupés de la mouvance dansante de l'univers. Plus encore, obsédés par le flux des secondes, nous avons conçu le pire des délires : la mécanisation du monde. Heureusement, la montagne s'en fout, tout comme le papillon, tout comme le randonneur ou l'ami sincère des papillons.
Et si l'on peut dire que le temps n'existe pas, alors le passé et le futur se réduisent eux-mêmes à une simple manière de voir. Ce que nous appelons le passé n'est ni passé ni révolu : il constitue au contraire l'étoffe, la matière même du présent; quant à l'avenir, tout entier dans le présent lui aussi, il n'est que la grande fermentation du réel et nous en sommes en partie responsables, maintenant, pas demain.
L'éternité elle-même n'a rien à voir avec un temps sans limite ;  ce n'est qu'une attitude devant la mouvance des choses et, en ce qui me concerne, un exercice spirituel. Toucher à l'éternité, c'est d'abord tout simplement se rendre maître d'un petit fragment du présent, c'est donc échapper au temps, en quelque sorte. Quiconque y parvient, si peu que ce soit, peut entrevoir comme un éclat d'éternité, sans nullement se transformer en pierre, sans renoncer à penser, sans sombrer dans le néant.
Il y a des moyens pour cela : la lumière de l'aube, la profondeur du ciel nocturne, le ressassement des mots d'un poème, la musique, le spectacle d'un tableau et, par-dessus tout, le visage de l'être aimé.


Par Monsters.in.love le Lundi 8 janvier 2007 à 20:20
Bel article, je n'ai pas perdu mon temps :D
"tout vivre à la fois ou ne rien vivre du tout", c'est vrai, terriblement vrai, quelle invention en tout cas le temps...
Par defouloir le Mardi 9 janvier 2007 à 1:38
Je ne la trouve pas l'aide, il y a au contraire qqch qui mattire dedans, qqch qui a fait que je lai choisi ... Une esece de contradiction entre ce que je ne voudrais pas etre qui me répugne, et ce que je suis réellement ... =)
Par run.a.mile le Mardi 9 janvier 2007 à 17:03
C'est fou comme ton texte m'a fait ouvrir les yeux. C'est vrai... pourquoi tient-on toujours à définir ce qui nous dépasse? POurquoi ne pas accepter la vie dans son plus simple écoulement? Et puis, à force de courir après le temps, on finit par s'essoufler. De très jolies images, et une manière sincère d'exposer son point de vue ! Très convaincant en tout cas !
Par capric3-dun-j0ur le Mardi 9 janvier 2007 à 18:39
Wahou. Fiouuuu. Vivement les autres articles comme ca. Paskeu c'est tellement vrai ! Je répète, wahou.

Commentaire pas très interressant mais je suis =O et super fatiguée ^^ [eh oui deja !]
Par maud96 le Mardi 9 janvier 2007 à 22:36
J'aime bien ta définition de l'éternité, cette sorte de stase dans l'instant
Et ton vieux réveil me rappelle la boutique d'un vieil horloger de Lyon (rendu célèbre par le film 'L'horloger de Saint-Paul") qui collectionnait les vieilles horloges, réveils, montres, etc...et les livres sur les premiers moyens de mesurer le temps : sable qui s'écoule dans le sablier ou eau qui goutte. Pas encore la tension d'un ressort, mais toujours une tension (celle de la gravité). Sans mouvement provoquée par cette tension, pas de temps. Mais si mouvement il y a, alors "tempus fugit". Clepsydre qui se vide d'en haut et se remplit du bas : j'y vois l'image de nos vies.
Par Plaiethore le Mercredi 10 janvier 2007 à 12:47
Le temps existe, le temps n'existe pas...
Peu importe le débat sur l'existence ou la non existence du temps, puisque finalement nous arrivons à la même conclusion : nous pouvons toucher l'éternité en nous rendant maître de notre présent... sauf que j'aime me transformer en pierre et que l'éternité ne peut se concevoir sans passage du temps ;)
Sacré Jean !

Et bonjour l'ami.
Par soft-snow le Vendredi 12 janvier 2007 à 11:07
Le temps ?
Pour moi, c'est un concept créé de toutes pièces par l'homme dans le seul but de décrire l'évolution des choses. Mais l'homme est un modéliseur par excellence, pas con d'accord, et toutefois ses modèles parfois prêtent à rire ! Le temps, c'est finalement l'addition des instants, leur soustraction, leur extraction. On dit que nos souvenirs viennent "d'avan"t, ou sont "antérieurs" au" moment présent". Tu as vu ? Ce ne sont que des termes destinés à nous donner des repères ! Parce que l'homme qui veut toujours tout comprendre (par nature?), sans repère, devient fou !
Belle illusion du temps. Elle nous a amené l'éternité, concept infini parce qu'on aime ce qui est grand. Se dire qu'on a l'éternité, c'est là aussi rassurant : l'addition des instants n'aboutira jamais à un total stable. L'éternité, c'est pour moi l'incrémentation illimitée des instants aux instants. C'est un mot qui ne croit pas en la fin. Et sais-tu pourquoi ? Parce que la fin au sens large, en tant qu'aboutissement du temps, n'est rien d'autre qu'une manière de réduire nos repères à néant. Autrement dit de nous rendre fous ?

Par o.0-PtIt-RaSta-B0bY-0.o le Dimanche 14 janvier 2007 à 11:30
belel article, c'est klér qu'on perd pas n,otre tmeps a te lire <333
Par rosane le Mercredi 17 janvier 2007 à 20:46
Le temps est la seule chose qui ne se pose pas de question. Disons qu'il est neutre, il passe c'est tout ce qu'il fait...
Difficile de definir le temps en effet...
Par monochrome.dream le Dimanche 14 mars 2010 à 15:39
De toute façon tes textes c'est toujours comme ça quand je m'y risque : je n'en ressors plus, ou du moins, je ne m'en sors plus. Avec moi, d'abord, parce qu'en deux mots comme en huit-cent tu me fous en l'air comme jamais, avec aussi de vives brûlures qui me pulsent en fond de ventre, avec tout ce que tu me retournes de frissons, d'admiration, à cause de ta façon de m'essouffler, et j'ai la tête qui tourne et ce n'est pas une métaphore, c'est "je t'ai lu et j'avais l'impression de tomber et maintenant j'ai la tête qui tourne", un vrai vertige dont je ne sais même pas s'il vient de toi s'il vient de moi ou si c'est ton texte qui le provoque. Et l'envie de pleurer sans raison pour rien parce qu'en te lisant c'est comme si j'étais assise au bord d'un précipice, comme si en bas devant derrière, c'était aussi grand que le ciel, trop immense pour que je saisisse ne serait-ce qu'un pan de tout ça. Et ça me glisse entre les doigts, tu me glisses entre les doigts, on dirait que tu parles depuis l'intérieur de moi et quand je sonde pour te trouver, pour t'attraper la main, que tu me guides dans ce texte géant, je suis juste perdue, il n'y a personne d'autre que moi, tout se dérobe, je ne respire plus il ne faut pas que je pleure il ne faut pas que je pleure il ne faut pas que, mais ça ne sert à rien de le dire, je vois déjà l'écran tout flou. Je t'aime à l'infini, de toute façon, et si le temps n'existe pas, ce que je sens couler partout autour de moi, se mouvoir, changer, vieillir et disparaître, il n'y a que toi qui sache le mettre en sourdine comme ça. Quand les choses sont trop grandes, un océan, un paysage, un ciel d'encre et d'étoiles ou un simple texte sur le temps, c'est toujours la même chose qui se réveille en moi. Ces ondes, comme des vagues qui me soulèveraient de l'intérieur, silencieusement. J'ai le coeur qui se fend d'une sorte de joie douloureuse. Ou c'est peut-être quelque chose qui me traverse de part en part, un courant électrique, une euphorie, ou c'est peut-être moi qui ai avalé l'infini, ou c'est peut-être juste la miette d'éternité dont tu parles sans la décrire, ou c'est peut-être complètement l'inverse, un simple moment dingue sans nom, ou je n'en sais rien, ça me flingue, tu me désarmes avec tes mots tes images ton étourdissant je-ne-sais-quoi, cette espèce de beauté intérieure à la Socrate qui te rend vibrant à pleurer.
 

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