A l'origine de l'écriture personnelle, il y a le double souci de conserver l'essentiel d'une émotion et de la transmettre. Quant à la lecture, elle consiste à faire éclore en soi une expérience intérieure dont le protocole vient d'ailleurs. Par l'écriture et la lecture, deux subjectivités communiquent.
Le fantasme de la télépathie est la transposition sur un mode délirant de l'expérience de la lecture, qui, elle, est accessible à tous.
Nous avons tous été déçus par des livres universellement célébrés, mais tous, nous avons été emportés par surprise, au hasard de lectures qui ne promettaient rien. C'est que le texte en lui-même est vide ; il ne contient pas lui-même l'émotion dont il procède et dont il conduit le renouvellement. Il est seulement la clé d'une expérience intérieure, qui, pour l'essentiel, dépend de nous.
Et nous avons besoin de cela parce notre univers intérieur s'étend à l'infini et contient de vastes zones inconnues, que nous ne pouvons aborder sans guide. L'exercice de la lecture nous met en présence de ces guides ; à leur insu, le plus souvent, ils nous conduisent à nous-mêmes.
La poésie est l'écriture la plus forte. Le poète sait se tenir à la source, si près qu'il saisit les mots avant même qu'ils ne livrent leur sens et peut les transmettre en l'état, comme de fécondes énigmes. Lire de la poésie, c'est tenter soi-même l'approche de la source. La plupart du temps, on n'y comprend rien, mais parfois le miracle s'opère : un frisson, une bouffée de chaleur, nous informe qu'une porte est en train de s'ouvrir sur une partie de nous-même encore inconnue.
Dimanche 3 septembre 2006 à 22:38
Commentaires
Par Lundi 4 septembre 2006 à 18:03
le J'adore le dernier paragraphe.. C'est surement celui que j'ai le mieux compris ^^'
Par Mercredi 6 septembre 2006 à 22:03
le J'ai pigé l'antispam plus vite que ton texte!
LOL
Il va bien me falloir la nuit à jongler avec ces mots dans mon univers intérieur pour arriver à entra-percevoir la lumière qui me montre où j'habite!
;-)
séreusement, j'aime bien ton point de vue!
LOL
Il va bien me falloir la nuit à jongler avec ces mots dans mon univers intérieur pour arriver à entra-percevoir la lumière qui me montre où j'habite!
;-)
séreusement, j'aime bien ton point de vue!
Par Samedi 11 novembre 2006 à 22:14
le Quand tu parles de poésie, un pseudo sur cow me vient à l'esprit. Margritis.
Chez elle, les mots précèdent le sens. Et la lecture est un délice, de par l'absurde contresens dont elle nous accable. Je te parle d'elle, je crois que tu la connais c'est pour ça.
Chez elle, les mots précèdent le sens. Et la lecture est un délice, de par l'absurde contresens dont elle nous accable. Je te parle d'elle, je crois que tu la connais c'est pour ça.
Par Samedi 2 octobre 2010 à 2:58
le Un frisson, oui. Des frissons. En lisant Desnos, le poème du fantôme aimé qu'il essaie d'enlacer. Baudelaire aussi, Baudelaire sans titre défini, Baudelaire même si de nos jours c'est très "tendance" d'aimer Baudelaire ; ce qui me fascine, chez lui, outre la force de précision, l'ancrage intérieur de ses anneaux de vers, c'est l'impression qu'il donne de n'être jamais à bout de mots, de tout lâcher dans le rythme berçant et naturel de la respiration qui coule, des souffles fluides. Il y a chez Baudelaire des choses qui vacillent plus grand que tout, des renversements sensitifs, des vers aigus, des poignances de phrases, parfois deux mots qui ouvrent une fenêtre sur les yeux d'un chat ou les rues du XIXe siècle ou le désir.
Puis on rencontre des poètes, tu as raison, où l'on n'aurait cru les trouver. Juin dernier, je referme le livre de Philippe Claudel, tremblante, avec la certitude qu'il me faut lui écrire. Qui l'aurait cru ? Philippe Claudel. Il faut essayer de le lire sans connaître ce qu'on en dit (je ne sais rien, d'ailleurs, de la teneur des critiques qu'on en fait, et cela m'est égal).
Un jour il y a eu Philippe Besson aussi, le livre s'appelait "En l'absence des hommes" et voilà quel article il m'a donné envie d'écrire : http://monochrome.dream.cowblog.fr/feline-et-consolante-2402761.html
La plus étrange des découvertes fut ce livre contemplatif de Jean-Marie Laclavetine, Matins Bleus, il y a des années. Acheté à cause du premier paragraphe : "Je tombe. Je tombe et je les vois tout en bas s'agiter sous l'immense verrière de la gare, je les vois traîner au sol leurs corps graves, je les vois piétiner le dallage clair, le monde tourne, le monde danse pour accompagner ma chute dans une fanfare de chariots et de locomotrices". On s'accroche à une phrase et elle donne envie de voguer dans la totalité du livre parce qu'au moment où on la découvre, c'est exactement celle que l'on avait besoin de lire.
Pour autant, Jean-marie Laclavetine, je n'en sais pas grand chose, rien en fait, rien à part ce livre de contemplation suspendue au-dessus des foules en voyage.
C'est drôle cette histoire de Matins Bleus. Je l'ai beaucoup aimé mais je sais qu'aujourd'hui, ce n'est plus ce que j'attends d'un livre. Comme on avance, certains amis restent, d'autres s'éloignent. Matins Bleus est resté derrière. Mais il est bien au chaud dans mes souvenirs et, parfois, même des années après, me reviennent en mémoire notre petit périple : il y avait des guêpes, le soleil, des sous bois, l'herbe haute et de l'eau. Quelques promeneurs passaient. Le hall de gare du livre était teinté de la petite Iowah allongée plus loin, du sentier, des cyclistes glissant le long de la ligne d'horizon, en contrehaut, à contrejour. Et puis, il y a un secret dans ce livre. Je le garde précieusement, mais pas question de le relire.
Je ne me relis pas, croisons les doigts pour que les fautes de frappe... soient en grève, soient en grève !
Puis on rencontre des poètes, tu as raison, où l'on n'aurait cru les trouver. Juin dernier, je referme le livre de Philippe Claudel, tremblante, avec la certitude qu'il me faut lui écrire. Qui l'aurait cru ? Philippe Claudel. Il faut essayer de le lire sans connaître ce qu'on en dit (je ne sais rien, d'ailleurs, de la teneur des critiques qu'on en fait, et cela m'est égal).
Un jour il y a eu Philippe Besson aussi, le livre s'appelait "En l'absence des hommes" et voilà quel article il m'a donné envie d'écrire : http://monochrome.dream.cowblog.fr/feline-et-consolante-2402761.html
La plus étrange des découvertes fut ce livre contemplatif de Jean-Marie Laclavetine, Matins Bleus, il y a des années. Acheté à cause du premier paragraphe : "Je tombe. Je tombe et je les vois tout en bas s'agiter sous l'immense verrière de la gare, je les vois traîner au sol leurs corps graves, je les vois piétiner le dallage clair, le monde tourne, le monde danse pour accompagner ma chute dans une fanfare de chariots et de locomotrices". On s'accroche à une phrase et elle donne envie de voguer dans la totalité du livre parce qu'au moment où on la découvre, c'est exactement celle que l'on avait besoin de lire.
Pour autant, Jean-marie Laclavetine, je n'en sais pas grand chose, rien en fait, rien à part ce livre de contemplation suspendue au-dessus des foules en voyage.
C'est drôle cette histoire de Matins Bleus. Je l'ai beaucoup aimé mais je sais qu'aujourd'hui, ce n'est plus ce que j'attends d'un livre. Comme on avance, certains amis restent, d'autres s'éloignent. Matins Bleus est resté derrière. Mais il est bien au chaud dans mes souvenirs et, parfois, même des années après, me reviennent en mémoire notre petit périple : il y avait des guêpes, le soleil, des sous bois, l'herbe haute et de l'eau. Quelques promeneurs passaient. Le hall de gare du livre était teinté de la petite Iowah allongée plus loin, du sentier, des cyclistes glissant le long de la ligne d'horizon, en contrehaut, à contrejour. Et puis, il y a un secret dans ce livre. Je le garde précieusement, mais pas question de le relire.
Je ne me relis pas, croisons les doigts pour que les fautes de frappe... soient en grève, soient en grève !
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