Lundi 7 mai 2007 à 19:10


Quand on dit « je » ici, vous pouvez être sûrs qu'il ne s'agit pas plus de moi que si je disais « un autre ». Non ! non ! je ne me cache pas, on ne peut même pas dire que je mens. En tout cas, le mensonge, si mensonge il y a, n'a rien de délibéré. C'est simplement que le moi, le mien en tout cas, est comme une grande amibe. Je crois l'attraper, mais je n'en saisis qu'un morceau et tout le reste continue de bourgeonner loin de mon regard. Je passe d'un fragment à l'autre. Je peux décrire ce que j'ai sous les yeux, mais le reste... Pour aller en voir une autre partie, je dois commencer par lâcher celle que je tiens. Alors, plutôt que de se casser la tête, il vaut mieux admettre que tout cela n'a pas tellement d'importance. Pour me rassurer, j'essaie de croire que je ressemble aux nuages dans le ciel. Ils sont vraiment beaux. On ne les voit pas trop bouger; mais que passent trois minutes, tout a changé. Parfois je pense que le moi est une eau qui coule, comme un fleuve. J'ai encore en réserve bien d'autres métaphores : je vous en fais grâce.

Mais alors quoi ? Si je ne suis pas fichu de dire qui je suis, s'il n'y a rien en moi de précis, de fixé, de stable, je ne suis donc rien ?
Qu'on se rassure (si l'on peut dire), tandis que j'oscillais d'une forme à une autre, tandis que parfois je me tenais en équilibre, un pied sur une ébauche d'identité, un pied sur une autre, je laissais ma trace plus ou moins profonde, sur le sable des plages, sur l'asphalte des routes, sur le cœur de mes proches, partout où je passais. Si le projet reste à jamais hasardeux, les faits cumulés aux fils des années témoignent prosaïquement de ce que je fus. Rien d'enthousiasmant.
Au début du parcours, on véhicule un maximum de désirs et d'incertitudes et on ne sait pas où l'on va ; à la fin, les désirs et les incertitudes sont toujours là, pour nous narguer, mais la trace est faite ; on ne peut plus gommer les détours, les mesquineries, les trahisons.
Et puis, toutes ces ambitions, ces folles ambitions sont-elles faites pour être comblées ? Ne jouent-elles pas pleinement leur rôle en tant que rêves, simplement en tant que rêves ?
Quand je me serai envolé, j'emporterai tous ces rêves avec moi ; il ne restera plus que cette trace, pour dresser le bilan de ma vie – si quelqu'un veut bien s'y intéresser – avant qu'on ne m'oublie tout à fait.


Par loopie-appleface le Lundi 7 mai 2007 à 19:22
Des rêves. Voilà ce que c'est. Des rêves.
Par soft-snow le Mardi 8 mai 2007 à 12:03
C'est un concept intrigant que celui du "je". C'est la conscience de soi. On se doute que quelque chose existe qui ne nous est pas étranger. Et en même temps, une vie entière ne suffit pas à le cerner, ce quelque chose. "Je". C'est évanescent, mais on ne s'imagine pas sans son existance. C'est trop, trop bizarre. Mais on est habitués depuis tous petits, alors ça devrait passer.
Par ticow le Mardi 8 mai 2007 à 13:40
NOn c'est pas une plaisanterie j'aimerais mieux que s'en soit une je ferais mieux face à vrai dire. C'est assez nul ya pas des exercice d'entrainement face à la maladie faudrait en inventer pour mieux s'y préparer et y faire face...
Par run.a.mile le Mardi 8 mai 2007 à 14:07
Il ne faut pas dresser de bilan, sinon cela veut dire qu'on a des remords et rien de tel pour tomber au point de non-retour. QU'on soit vieux ou jeune, le "moi" nous est fugace, autre et pourtant nous est familier. Est ce qu'on pourra réellement un jour se dire que tout ce qu'on a entrepris avait un sens? On s'en fout remarque ! tant qu'on essaye de poursuivre son petit bout de chemin, sans trop se prendre les pieds dans les ornières, n'est ce pas le plus important?

L'oubli fat peur pour certains, moi il me rassure. =)
Par a.fleur.de.curiosite le Samedi 26 mai 2007 à 11:07
Peu importe que ce "je" soit toi ou "un autre", après tout, s'il esquisse ne serait-ce qu'un fragment de toi, par des mots détournés ou non, par des personnages différents ou empreints de ta personnalité, l'important au fond c'est ce fragment de toi. C'est peut-être ce qui donne cette intensité à tes mots, cette partie de soi qui les a insufflé à ta plume et cette partie de toi qu'ils révèlent. Cette distance, cette différence entre le Je et un autre est peut-être celle qui permet de réellement mettre à jour ces fragments là, mais en tant que lectrice non avertie il me paraît bien délicat que de le saisir. C'est un peu comme une impression, une sensation: présente et parfois intense, expressive, mais insaisissable.
Et je ne peux m'empêcher de sourire à l'idée que le "Je" qui écrit ici que son "Je" est celui d'un autre, soit aussi celui d'un autre.
Par monochrome.dream le Mardi 8 mars 2011 à 17:43
Eluard s'est glissé incognito dans ton texte : il t'a changé en liberté.
Ben oui, pendant que tu racontais le moi que l'on ne saisit pas, qui ne se fige pas dans une forme mais dont une trace restera vivante à coup sûr comme une empreinte de pas sur ton chemin, tu as écrit ceci : "je laissais ma trace plus ou moins profonde, sur le sable des plages, sur l'asphalte des routes, sur le cœur de mes proches, partout où je passais." Et j'ai chantonné "liberté". Le pire, c'est que ça te va plutôt bien.
 

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