Mardi 20 mars 2007 à 23:22
« Tu as cinq minutes, ramasse deux ou trois vêtements, une brosse à dents, tout l'argent qui te reste et viens. Je ne te le répéterai pas. Tu pars maintenant, ou jamais. Reste ici et tu le regretteras toute ta vie. »
Moi, j'hésitais, comme d'habitude. J'ai toujours de la peine à admettre que les choses changent. Larguer les amarres, je n'avais que ça en tête ; je l'attendais, cette invitation. Mais j'en rêvais seulement et le rêve me convient très bien.
Je ne parvenais pas à me décider.
Là, pris complètement à froid, j'hésitais, tout prêt à dire non, à les regarder partir, eux, et à me dire : « Après tout, ils ont bien pris le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre ; pourquoi faudrait-il que… »
Et merde ! J'y suis allé.
Je les ai rejoints en bas : le faiseur d'images, le musicien, le poète et les autres.
Ils disaient : « La Beauté fait la route avec nous, elle marche devant, ne la quittons pas des yeux. »
Facile de lancer de belle phrases, comme ça. Essayons d'être un peu réalistes, donnons-nous une chance de durer.
« Durer ? Non, pas durer : vivre, enfin ! »
Nous sommes montés dans la vieille camionnette. Six : deux amis proches, deux amis de mes amis, deux inconnues, moi.
Serge a sorti sa boussole.
Désormais, foin des cartes, foin des itinéraires, nous marcherons à la boussole. Cap au nord !
Une seule règle, une seule, mais qui ne supportait pas d'exception : tourner le dos au vieux monde, regarder devant soi (la Beauté), ne jamais revenir en arrière. Nous avions un faible pour de telles règles plus ou moins justifiées, plus ou moins arbitraires. Pourquoi ne pas se compliquer la vie ?
Avec ce système, en moins d'une demi-heure, nous avions atteint des territoires étranges dont nous ne soupçonnions pas l'existence.
La boussole nous avait arrachés aux grandes routes, puis aux moins grandes, et conduits au milieu des bois. Nous étions embourbés la camionnette n'en pouvait plus. Nous avons continué à pied, pataugeant parmi les arbres, toujours plein nord. L'aiguille de la boussole était fixée sur une grande ligne idéale qui allait tout droit de nos pieds boueux jusqu'au Pôle immaculé. En levant un peu les yeux, nous pouvions nous représenter la glace, les ours blancs, les aurores boréales.
Nous nous trouvions exactement à quatorze kilomètres de notre point de départ, dans un lieu absolument désert, de la boue jusqu'aux menton. Devant nous, la Beauté nous souriait toujours, bien au sec, perchée sur un petit nuage. Nous étions arrivés, par la force des choses. Et il ne nous restait plus qu'à savourer notre bonheur.
Commentaires
Par dark-pearl le Mercredi 21 mars 2007 à 15:23
roo que de beaux mots... rien à ajouter tout est dit ^^ superbe !
Par Mercredi 21 mars 2007 à 23:14
le Très "platonicien"... et platonique... De voir de loin suffit... je ne me sens pas encore assez contemplative pour réussir ce genre de bonheur. Mes émois sont encore trop fugaces...
Par Dimanche 25 mars 2007 à 14:55
le J'aime beaucoup.+++
Par Samedi 31 mars 2007 à 11:57
le la beauté ne se cherche pas, elle te saute au visage ou n'est pas...
Ajouter un commentaire
La discussion continue ailleurs...
Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://que-vent-emporte.cowblog.fr/trackback/1739929