- Pour illustrer mon dernier propos, je vous emmène dans la cuisine de mon blog.
Vous vous souvenez de cette image ?
Plusieurs personnes l'ont trouvée belle et ont laissé à son sujet des commentaires élogieux pour le photographe.
- Attends ! Ne t'emballe pas ! Il y a des gens qui t'aiment bien, et qui ne ratent pas une occasion de te faire plaisir en flattant ta déplorable vanité. Et ça marche.
- Peut-être, après tout. Mais, pour la clarté de ma démonstration, feignons l'émerveillement. Et puis, quoi que tu penses, elle n'est pas laide, cette image. Je le dis d'autant plus facilement qu'en tant que photographe, je n'y suis pas pour grand-chose. J'ai saisi cette berge du Rhône comme elle se donnait et telle quelle je l'ai livrée, sans retouche.
- Où veux-tu en venir ?
- Tout simplement au fait que, ce morceau de paysage, des milliers et des milliers de gens le trouvent sous leurs yeux lorsqu'ils passent sur la route.
Or, parmi ces milliers de gens, qui le regarde ce morceau de paysage ? Et parmi ceux qui le regardent, qui le remarque ? Et parmi ceux qui le remarquent, qui se rend compte qu'il est beau, tout simplement beau ?
Bien sûr, quand on roule sur cette route, on est pressé, avec des tas de soucis dans la tête ; on est fâché d'avoir dû se lever trop tôt. Au volant de cette voiture, au guidon de cette moto ou de ce vélo, ce ne sont que des ombres, les ombres de pauvres gens qui, dès le réveil sont déjà comme au bureau ou à l'atelier, plongés dans les emmerdements de la journée, indisponibles.
Bien sûr, si on regarde un peu plus loin, le long du fleuve, on tombe sur un vilain bâtiment qui n'ajoute rien au paysage.
Bien sûr, il ne fait pas toujours beau.
Bien sûr, bien sûr, bien sûr.
Pourtant, cette beauté-là, je n'ai pas eu besoin de la fabriquer, de l'inventer, de me persuader laborieusement de son existence. Il m'a suffi d'admettre qu'elle pouvait exister, de laisser courir mon regard, puis de l'attraper. Elle était là, disponible, gratuite. Ça ne m'a pas pris plus d'une minute.
Voilà.