Mercredi 4 avril 2007 à 17:41
Cette nuit-là, au seuil du sommeil Barnabé émit un bâillement formidable qui le propulsa dans le plus beau, le plus long, le plus étrange voyage que l'on pût faire. Tandis qu'il basculait dans le pays des rêves, il vit passer tout son corps par sa bouche grande ouverte. En un instant, il se retourna comme un gant. Sa peau repliée sur elle-même formait maintenant comme une toute petite boule. Et tout autour, le réseau irisé des ses entrailles se déployait jusqu'aux confins du vaste univers, lequel fut son monde intérieur, tant que dura cette nuit-là. Il avait tout absorbé, il était tout, et pourtant il se sentait léger, léger, léger.
Comme il avait aussi capturé l'écheveau du temps dans son rêve, il eut tout le loisir d'entendre au fond de lui le beau chant de l'éternité et de l'espace confondus.
Au milieu d'un vaste champ d'étoiles, de planètes émouvantes et d'astres morts, il perçut ce grand cri de lumière où s'accrochent miraculeusement intacts tous les espoirs déçus dans leur état d'avant la trahison, toutes les attentes vaines ramenées au moment où tout demeure possible, la confiance outragée comme elle était avant l'outrage, le corps parfait d'avant la blessure, l'âme désespérée rendue à l'espérance.
Et pendant quelques minutes de notre temps à nous, nous aussi nous fûmes tout cela sans le savoir, poussant des cris de joie dans un tout petit coin de ce cher Barnabé, sûrs que notre tour viendra bientôt de faire ce beau voyage immobile.
Puis, les heures ayant aux heures transmis l'éternelle consigne, la vie ordinaire, plate et mal lavée, se traîna hors de son placard. Barnabé rentra discrètement en lui-même tout doucement, comme un fêtard éméché qui ne veut pas réveiller les voisins.
Il avait tout oublié, comme il se doit ; mais il prit sa plume et jeta sur la blancheur farouche du papier, en lettres dansantes, les prémices d'une nouvelle histoire.
Commentaires
Par emma-la-savate le Mercredi 4 avril 2007 à 18:49
"Pour quelqu'un qui aime les voyages". Hum. Ca pourrait être moi, alors. Sauf que vois-tu, JMG, si je vais à Rodrigues, j'emporterai dans ma valise (et j'y pense depuis toujours), "Voyage à Rodrigues" et "Le chercheur d'or" qui sont, pour moi, de loin les meilleures de ses histoires (bon, j'aime beaucoup Désert, mais cela fait très longtemps que je l'ai lu, et il me parle moins, je crois). Car, trésor, racines, grands-parents extraordinaires, forbans, La Buse, je suis preneuse. Je ne marchande rien. Et puis, il est d'autant plus agaçant, qui'il est beau, Le Clézio. (ça rime, en plus).+++ Ah, au fait, me fout un peu la trouille ton Barnabé.
Par Mercredi 4 avril 2007 à 22:18
le Très beau... Le rêve dans le rêve, quand on croit partager en communion le rêve de Barnabé, avant la platitude du retour. Ce sentiment de solitude dans le rêve qui laisse souvent un goût amer au souvenir du rêveur ! On aimerait pourtant partager...
Par Mercredi 4 avril 2007 à 22:30
le L'âne, c'est n'importe qui, moi, les baptisés, peut-être les autres, qui sait ? Et il est mal attaché probablement parce que je ne sais pas dessiner :-P En fait j'avais la photo de l'âne mais pas celle du mur, et j'ai improvisé.
En vrai, mes initiales c'est JBD, mais depuis toute petite j'ai toujours signé mes dessins JB
Je culpabilise un peu de commenter sans lire, mais je ne suis pas dans le bon état d'esprit pour te lire ce soir, alors je préfère attendre que de gâcher ma lecture par cette fatigue.
En vrai, mes initiales c'est JBD, mais depuis toute petite j'ai toujours signé mes dessins JB
Je culpabilise un peu de commenter sans lire, mais je ne suis pas dans le bon état d'esprit pour te lire ce soir, alors je préfère attendre que de gâcher ma lecture par cette fatigue.
Par Jeudi 5 avril 2007 à 16:18
le J'ai révé.
Entre ces lignes.
Entre ces lignes.
Par Vendredi 6 avril 2007 à 11:26
le Vrai qu'il est beau ce texte et peu habituel. Du rêve en ligne.
Par Samedi 14 avril 2007 à 10:25
le Surprenant. Je me rends compte que je n'avais pas saisi ce texte à mes premières lectures. Aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi, il me fait penser à l'introspection. Et voyage et introspection me font penser à cette phrase de J. Grenier : "On peut voyager non pour se fuir, chose impossible, mais pour se trouver."
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