Chaque nuit il montait ainsi jusqu'au sommet, puis redescendait prestement pour regagner sa cabane. C'était une sorte de rite. Dans quel but ? Il ne se le demandait pas. C'était plus fort que lui, simplement. Certes, seuls ceux qui ont déjà flotté à la limite de la nuit dans une bulle de neige fraîche, suspendus au fil d'or du silence, peuvent comprendre cela. Et comment qu'ils le comprennent !
Une autre fois, était-ce le lendemain ou quelques jours après, tandis qu'il reprenait son souffle au sommet, il sentit comme une présence derrière lui. Il se retourna d'un coup. Rien : la neige, le ciel, le silence. Puis ce fut un petit éclat de rire et tout un enchevêtrement de voix à l'intérieur de sa tête : « Tu l'as pris, garde-le… », gazouillait l'une ; « Bientôt, tu t'éveilleras… », chantait une autre ; et une troisième chuchotait : « Oui, mais de quel côté du rêve ? de quel côté ?... ».
Les avait-il vraiment entendues, était-ce une hallucination ? Il se retourna encore et ne vit personne. La surface de la neige était toujours intacte. Il se rappela le petit ruban, le toucha dans sa poche, se ressaisit, haussa les épaules et redescendit sans traîner. Avec des raquettes, la descente est toujours comme une jubilation enfantine. On plonge à grandes enjambées dans la pente, on s'enfonce jusqu'à la taille dans la neige croulante, douce chute cent fois répétée, douce neige …