Dimanche 22 juin 2008 à 11:33
Brume se regarda dans le miroir d'un air maussade.
- Je me demande d'où nous vient le mirage de la perfection ! Ce qu'il cache, ce n'est rien d'autre que le mépris du réel, le dégoût pour la vie ! La perfection et le réel n'ont rien à voir ensemble. La perfection, c'est de l'imaginaire pur. Et idée stupide que l'imperfection du réel ne serait que la version déformée, abâtardie d'un ailleurs parfait, seule réel digne de l'Etre, c'est juste la pointe extrême de notre délire !
Il faut dire que dans son miroir, Brume ne se trouvait pas trop à son avantage et ça l'excitait un peu.
- Voue-toi à la perfection ! Sois un pur ! Tu pourras sauter la vie comme un ruisseau et tu te retrouveras le nez collé aux portes de la mort ! Quel autre chemin possible pour celui qui n'en démord pas ?
Belles paroles, mais Brume n'était pas fait d'un seul morceau ; sa lucidité désabusée de doublait d'un résidu de conscience morale, qui se rebiffa aussitôt :
- Brume ! tu n'as pas honte ? Que fais-tu de nos valeurs ? de nos idéaux ? Si tu relègues la perfection au non-lieu des chimères, la vie vaudra-t-elle encore la peine d'être vécue ?
C'en était trop. Et comme Brume venait d'apercevoir un vilain bouton sur le bout de son nez, il se mit carrément en colère :
- Tu t'imagines, conscience de mes deux, que pour vivre j'ai besoin de croire que la perfection existe quelque part ? Tu crois peut-être que la vie telle qu'elle est m'attriste tellement que j'aurais besoin d'en être consolé ? Mets-toi bien dans la tête, une fois pour toutes, que dans ce cloaque où toi, bécasse, tu as trop peur de salir ta robe blanche, je suis heureux, simplement heureux ! Ça t'emmerde, hein ? Ça bouleverse tes plans, c'est ça ? Je sais ce qui te ferait plaisir : que je sois languissant, désespéré, aigri. Alors, comme une vieille fille qui attend son heure, te précipiterais vers moi le cul pincé et la bouche en cœur pour me monnayer ton salut !
C'est bien ce que je disais : tu prends tes désirs pour des réalités. Et recule donc ! Enlève de là tes pieds trop propres ! Tu n'es même pas capable de les voir, ces petites fleurs de rien du tout que tu piétines sans remords! Pourtant, elles suffisent à ma joie.
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Mais les drapeaux vaniteux ont souvent gagné des guerres... ainsi est faite l'humanité...
Dieu mort, renié, vite le remplacer, vite, vite, car sans dieux, vrais ou fabriqués, la vie est trop impossible...