Lundi 18 décembre 2006 à 11:24


On partirait du désir d'écrire, lequel n'est au départ qu'une confuse impression, un  déséquilibre intérieur. Ce désir est le plus souvent discret et facile à ignorer. En général, à toute envie d'écrire s'oppose une tendance assez forte à ne pas le faire, fondée sur le refus inavoué d'avoir d'idées neuves et, surtout, de se mettre en question.

On s'installerait à la table de travail, on ouvrirait un nouveau fichier sur le traitement de texte et l'on chercherait d'abord à savoir ce que l'on veut au juste. Il ne s'agirait uniquement de donner une forme à ce désir initial. On partirait à la recherche de quelque chose qui n'est là qu'en creux : un manque.  On s'efforcerait de capter les sentiments qui flottent autour de cette absence comme on flaire une odeur, comme on cherche à savoir la direction du vent. Au bout d'un moment, des réminiscences, des souvenirs, des images commenceraient à se manifester. Une couleur générale apparaîtrait, qui finirait par s'imposer, cette couleur deviendrait atmosphère, lieu, décor. Des personnages se présenteraient ensuite, puis, en dernier lieu, une idée plus forte, qui pourrait être le pivot d'une histoire. Et vite il faudrait piqueter le terrain, tracer une ligne narrative ; mais – et toute l'astuce est là –, après avoir défini plus ou moins la situation initiale de l'histoire, il faudrait impérativement en fixer le dénouement. C'est la chute de l'histoire, en effet, qui gouverne toute la narration. Ensuite, on laisserait celle-ci prendre forme et s'organiser en cinq, sept ou dix étapes. Attention ! Rien d'arbitraire dans ce plan. Chaque étape doit être légitimée par la fin, qui gouverne tout. Pour le lecteur, qui part du début, l'histoire doit toujours sembler ouverte à tous les possibles, chaque étape doit découler tout naturellement des étapes antérieures ; pour celui qui écrit l'histoire, en revanche, chaque événement est rigoureusement déterminé par ceux qui le suivent ;  tout se déroule selon une nécessité implacable. Le récit doit être parsemé de détails en apparence anodins, insignifiants pour lecteur, qui annoncent en réalité la suite du récit, comme des présages. Cela définit un monde imaginaire, possédant toutes les apparences du monde réel, mais en réalité radicalement différent, un monde toujours prêt à basculer dans le fantastique.
Et pourrait alors commencer la partie la plus délectable du travail, à la fois rédaction et quête du sens. En partant cette fois du début, en suivant le déroulement des faits, en ménageant toutes les apparences du hasard et de la liberté. Ce cadre si précisément balisé définit un espace qui peut se charger d'émotions, un espace de création et d'association libre, celle-ci étant d'ailleurs d'autant plus libre et plus dégagée de la routine quotidienne que le schéma général est plus solide. On se promènerait d'un lieu à l'autre, comme un enquêteur, en s'interrogeant sur le sens de ce paysage surgi de l'imaginaire ; on s'identifierait aux personnages, on épouserait leurs sentiments tout en leur donnant une forte apparence de vie. Alors, progressivement, notre trame narrative livrerait ses secrets ; les éléments sous-jacents monteraient à la surface ; certains détails de l'histoire se trouveraient éclairés de sens nouveaux. Le découpage n'est qu'une ébauche, le lieu d'une énigme que la rédaction pas à pas résout.
Il arrive d'ailleurs fréquemment que le sens le plus profond d'une histoire s'impose bien après le premier jet,  à l'instar du coureur inspiré qui sort des profondeurs du peloton et triomphe à l'arraché, déclassant les significations auparavant retenues.


Par je-v0eux le Lundi 18 décembre 2006 à 11:39
jean !! c'est donc comme cela que tu t'appelles...(on se tu-tois ?...) et bien jean !! tu est magique !!
Par run.a.mile le Lundi 18 décembre 2006 à 19:44
le plus dur c'est de trouver les mots... un texte qui encore une fois nous en apprend beaucoup ! Merci =)
Par capric3-dun-j0ur le Lundi 18 décembre 2006 à 21:26
Ouais ouais, c'est vrai. L'est bien beau, ce texte, comme toujours.
[Vachement interressant je sais -_-']
Sinon a part ca, aujourd'hui est retenu comme un des pires jours de mon existence.
Je suis blasée.
Jamais autant eu envie de vacances.
Et demain j'ai mon premier commentaire composé en francais! Aaahhh!

Voila.
Bonne soirée.
Par Marko.N.A le Lundi 18 décembre 2006 à 21:32
Jean, tu m'as bien fais rire avec la contrepèterie de PetrifiedEyes, lui aussi me fait beaucoup rire,
vous êtes tous des galopins.
Par capric3-dun-j0ur le Lundi 18 décembre 2006 à 21:40
Tu m'as comprise ! J'espère que j'y arriverai ! Je vais au lit, pour ne pas changer, je suis méga claquée quoi.
Par loopie-appleface le Mardi 19 décembre 2006 à 18:19
Et simplement, reconnaitre son quotidien dans les phrases d'un autre, entouré d'une ponctuation étrangère. Se surprendre à lire les mots qu'on n'aurait pas choisis pour correspondre à ses propres idées.
Comme une impression de dédoublement, un apprentissage.
Parce que je reconnais quelques étapes, de cette façon parmi tant d'autres, d'écrire.
C'est dans le besoin d'écrire que je me perds. Et les réécritures. C'est là que je me retrouve sans m'être perdue, au final. Là que j'ai la de voir un reflet du reste, sans que cela soit ce que je vois autour de moi.
Un peu embrouillée, oui, je sais.
Par capric3-dun-j0ur le Mardi 19 décembre 2006 à 19:23
Wahou, le commentaire composé ! Ca fait ... Bizarre je crois . Je sais pas . C'est la première fois que j'écris 3 pages sans panne d'inspiration . Peut etre que j'ai raconté n'importe quoi aussi . Mais ca fait wahou de rendre une copie toute bleue ! Bisous.
Par maud96 le Mardi 19 décembre 2006 à 19:43
C'est sûrement bien analysé.. et décrit, tout ce que tu dis. Mais çà vaut surtout pour ceux qui écrivent des histoires à épisodes, ou des livres à chapitres, je pense...
Le plus souvent, pour moi, ce sont moins des "idées fortes" que des images qui s'imposent, dont je rêve, où je me mets, petite actrice qui s'insinue... et évidemment, alors, je deviens maîtresse du jeu ... et ensuite, les mots à trouver, puis le texte à toiletter, à alléger, pour qu'il soit clair et impose les images que je vois au lecteur... le lecteur, celui qu'on oublie si souvent quand on écrit...
Par capric3-dun-j0ur le Mercredi 20 décembre 2006 à 14:31
Oui de la neige. Mais pas beaucoup hein. Mais quand même un peu de neige ce serait cool pour Noel. Je repars bientot a la musique!
Par Plaiethore le Mercredi 20 décembre 2006 à 15:35
Pour une fois, je dirais alors que le renoncement est une belle chose... et non le fait d'écrire n'est jamais banal pour celui qui ne produit pas de banalités :)
Par rosane le Mercredi 17 janvier 2007 à 20:49
Lorsque j'ecris parfois, les mots sont confus, je veux faire passer un message mais les mots ne viennent pas...
Manque d'inspiration sans doute...
Par monochrome.dream le Jeudi 9 septembre 2010 à 0:35
Mes nouvelles ne se laissent pas faire. Pas comme les tiennes, pas comme ça. Même lorsque j'ai la fin, elles me font des queues de poisson et l'on finit dans le fossé. C'est comme ça, que veux-tu...
Mais ta méthode me plaît, beaucoup, parce qu'elle implique de savoir où l'on va et comment l'on s'y rend. Tout le monde n'en n'est peut-être pas capable, vas savoir. En tout cas, de ton côté, tu y réussis à merveille.
 

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