Lundi 28 juillet 2008 à 12:04
Je me demande à moi qu'est-ce que je ?
On a le droit d'ignorer bien des choses, mais pas ça. Et pourtant !
Je, ma demeure; je, qui fais que je suis sans savoir ni qui je suis ni pourquoi.
Inséparable compagnon de voyage, plus attaché à moi que mon ombre même, trop familier, indispensable, insupportable, vital et pourtant bien capable d'assaisonner quotidiennement mon café d'une pincée d'arsenic. Hors de toi, je ne peux être et pourtant c'est bien toi qui m'assassines.
Je t'épie autant que je suis épié par toi, je te soupçonne, tu me fais peur.
A trop vouloir te saisir, je m'emballe et, les yeux fermés, tout près du puits de la folie, je tournoie, comme un chien qui court après sa queue.
Je ne connais de toi que mon reflet dans la glace, mon ombre sur le mur, les velléités d'une volonté chancelante, quelques espoirs et mes illusions perdues.
Vendredi 18 juillet 2008 à 11:06
Un paysage.
Au bord du chemin, un arbre.
Un homme marche.
Il s'arrête et parcourt du regard le feuillage qui l'abrite.
Indéniablement, le monde existe.
Et à n'en pas douter, c'est le monde des hommes.
Dans ce très bref moment de résistance à la mort - ce spasme - qu'est une vie humaine, si l'homme s'inquiète de sa patrie, il pense que l'univers entier lui répond et le rassure.
Mais si l'homme embarque l'arbre dans sa pensée, fait penser l'arbre à son tour, c'est lui-même qu'il trouve dans la pensée de l'arbre. Dès lors qu'il ne suit pas seulement les contours de l'arbre mais prend le train de sa mouvance propre, depuis le moment où devenu arbre celui-ci s'est détaché de l'arrière-fond du monde, s'est construit branche après branche, l'homme voit se dessiner au coeur du lent déploiement de l'arbre le chemin qui le mène à la mort inéluctable. L'arbre, comme tout vivant, porte sa mort en lui.
Et la vie d'un homme, c'est beaucoup plus court et fragile que la vie d'un arbre.
Quand le cycle de l'humanité se sera bouclé sur lui-même, quand les hommes auront disparu, alors les monuments humains, les messages gravés dans la pierre, les grands charniers, les balafres sur le sol, les traces de tant d'illusions et de tant d'horreurs, rien de tout cela ne se distinguera plus du grand cycle des choses.
Ce sera donc l'heure de l'oubli ? Bien plus que cela : l'heure de la disparition pure et simple de toute mémoire.
Et si le cycle de la vie se clôt à son tour, quand les arbres eux-mêmes ne seront plus, tout retournera au silence premier.
C'est le message de l'arbre à l'homme qui peut penser.
Et l'homme reprend sa route.
Comme au bord du chemin l'arbre, puissant et calme, se meurt
Mercredi 16 juillet 2008 à 12:06
Brume se demandait pourquoi le malheur, cette évidence quotidienne semble si rebelle à toute définition objective. Pourquoi se dissimule-t-il si volontiers sous les apparences d'une faiblesse de caractère, d'une sensibilité excessive ? Pourquoi ses causes sont-elles si difficiles à établir ?
Combien d'échecs, combien de jour sans manger, combien d'insultes, quelle dose de souffrance physique faut-il pour que le malheur soit certain ? Existe-t-il un seuil du malheur comme il y a un seuil de la pauvreté ? Cette question a-t-elle seulement un sens ? Même une montagne de souffrances, parfois, ne suffit pas à faire un malheur.
Pourquoi certaines personnes, que le destin frappe de plein fouet demeurent inaccessibles au malheur et pourquoi tant d'autres y sombrent sans nul motif apparent ?
La faim, la maladie, la solitude peuvent conduire au malheur, mais le malheur, c'est tout autre chose que la faim, la maladie, la solitude.
Ne serait-il en fin de compte qu'une illusion ?
Au fond, seule l'expression du malheur est réelle. Le malheur lui-même relève d'une dimension tout autre que celle du réel, du tangible et du mesurable. Le malheur est une maladie de la vie, qui survient quand se rompt le lien fragile qui fait l'unité du moi, quand se déchire la personne, ce masque que nous portons, ce rôle que nous jouons sur le théâtre de la vie, puisque tel est à l'origine le sens de ce mot.