Vendredi 21 septembre 2007 à 19:47





                   D'une saison . . .
l'autre .                



Lundi 17 septembre 2007 à 15:41


La forêt était immense, mais on en faisait aisément le tour. Il suffisait de marcher quelques jours en gardant toujours la lisière, soit à sa gauche pour qui allait dans un sens, soit à sa droite pour qui allait dans l'autre. Et, toujours, on retrouvait son point de départ. On l'avait aussi survolée bien des fois. Les avions de ligne glissaient quotidiennement au-dessus, indifférents. Du ciel, on découvrait une vaste étendue d'arbres, plate comme la surface d'un grand lac et comme elle légèrement moutonnante ; sans peine, d'un bord de la forêt on apercevait l'autre.

Sur la carte, cela donnait une grande tache, colorée en vert par convention, bien circonscrite à l'intérieur des frontières bien gardées d'un pays bien clos.
Pourtant, cette forêt, personne , jamais, ne l'avait traversée. Beaucoup s'y étaient risqués ; les uns n'étaient jamais revenus, les autres, après avoir conservé le même cap des jours et des jours, avaient fini par ressortir, tout près de l'endroit par où ils étaient entrés. Et ils déclaraient ensuite n'avoir rien vu. L'intérieur de la forêt, disaient-ils présente toujours exactement le même décor : un sous-bois sans clairière, la répétition à l'infini du même motif végétal ; partout les mêmes arbres, le même relief, le même sol. Les arbres, d'une essence trop commune, d'une matière trop médiocre n'excitaient guère les appétits financiers. Et puis, la forêt savait résister. A peine abattus, les arbres pourrissaient. Plus encore, on avait beau couper les arbres, les renverser avec d'énormes engins mécaniques, les plaies infligées se refermaient aussitôt, et, quelques jours après, le regard butait sur la lisière intacte.
Un jour, qui fut appelé appelé par décision des autorités le Jour de la Grande Forêt, on voulut en avoir le cœur net. Toute la population du pays se trouva mobilisée. On entoura toute la forêt d'une gigantesque chaîne humaine. Il n'y avait pas vingt mètres d'une personne à l'autre. A l'heure prévue, le signal fut donné, chacun se mit en marche. Une même mission pour tous : avancer tout droit jusqu'à l'endroit où, forcément, tout le monde finirait par se regrouper. Et là, on aviserait.
Dès le franchissement de la lisière, chacun perdit de vue ses voisins, le silence était total, on se perdit. Les plus chanceux ressortirent tout près de l'endroit où ils étaient entrés, mais des centaines de personnes ne donnèrent plus jamais signe de vie.
Si efficaces à l'extérieur de la forêt, les moyens de communication les plus sophistiqués ne donnaient rien sous le couvert des arbres.

Pour les uns, cette forêt était une béance, un piège, une malédiction.
Pour les autres, elle était tout simplement impénétrable. Pas impraticable, seulement impénétrable. Praticable, elle l'était assurément. On pouvait y marcher, rien n'arrêtait jamais la progression, les fourrés n'étaient jamais trop denses, le sol élastique était confortable aux marcheurs. Mais on pouvait s'enfoncer aussi loin qu'on le voulait dans cette fichue forêt, on ne la pénétrait pas. Elle recelait un mystère auquel on n'avait pas accès.

Les deux théories paraissaient incompatibles.

On émit enfin une hypothèse qui tentait de surmonter la contradicion : ceux qui n'étaient jamais revenus n'auraient pas à proprement parler disparu, ils auraient  seulement suivi un chemin d'errance beaucoup plus long que les autres. Ils seraient morts de faim, vaincus par leur propre effort. La forêt n'y était probablement pour rien. Peut-être réapparaîtraient-ils un jour.

Puis, quelqu'un comprit. Il essaya de le faire savoir, en vain, cela va sans dire. Un coin du voile avait été levé, brièvement ; il retomba aussitôt.

La forêt masquait l'arbre et l'arbre lui-même cachait autre chose. La forêt réelle, indéniablement réelle, servait de leurre à la réalité « ensemble d'arbres », laquelle dissimulait le fait que chaque arbre portait un signe.
On avait donc toujours vu une forêt là où il n'y avait que des arbres les uns à côté des autres ; et même ceux qui avaient porté toute leur attention sur les arbres ne s'étaient point avisés que ceux-ci n'étaient pas là en tant qu'arbres. Tel est toujours le malentendu fondamental. On croit évoluer dans l'espace réel avec les repères du monde réel, et l'on s'interdit de reconnaître qu'on se trouve en réalité dans l'espace symbolique du langage. Chaque itinéraire au cœur de la forêt était une phrase, que chacun construisait, le sachant ou ne le sachant pas. Le hasard de l'errance, menait l'égaré de signe en signe jusqu'à l'achèvement d'une phrase, la sienne propre, tout à la fois nouvelle et déjà écrite. En mettant le pied dans la forêt, chacun s'engageait dans sa phrase, une phrase parfois si longue qu'elle paraissait interminable, mais qui ne pouvait nous mener qu'à nous-mêmes.

Du néant au néant, la vie : curieux détour.


Dimanche 16 septembre 2007 à 22:17
















Vallon d'Orgevaux                

Vendredi 14 septembre 2007 à 9:35


Du beau livre de Max Dorra dont je vous ai déjà parlé, La Syncope de Champollion, j'extrais ce matin une petite citation de Sartre.


Elle constitue l'amorce d'une réflexion vertigineuse sur la flèche qui lancée droit sur sa cible, manque toujours son but, parce que l'archer ne peut comprendre que, la vraie cible, il ne la voit pas, et que même, peut-être, il n'y a pas de cible.

« Je voulais écrire sur le monde et sur moi. C'est ce que j'ai fait. Je voulais être lu. C'est ce qui est arrivé. Quand on est beaucoup lu, on parle de célébrité. Bon, d'accord, je l'ai. Ça, c'est toute la vie que j'ai rêvée étant gosse. D'une certaine façon, je l'ai eue. Mais ça représentait autre chose, je ne sais pas pourquoi. Et ça, je ne l'ai pas. »

                                                Interview sur France Culture



Jeudi 13 septembre 2007 à 16:06





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