Mercredi 12 septembre 2007 à 20:02


Il arrivait parfois à Monsieur Brume, un peu n'importe où, un peu n'importe quand, d'assister à l'effondrement du monde. Toujours à l'improviste, comme un passant qu'un plaisantin surprend en surgissant de l'ombre, il était saisi d'une sorte d'épouvante intérieure. Un exemple vous aidera à comprendre cela. Imaginez, dans une salle obscure, un spectateur fasciné par un film extraordinaire. Et voilà que, d'un coup, toutes les lampes de la salle s'allument. Le monde imaginaire du film éclate comme une bulle ; ne demeurent plus que quelques ombres pâlies sur un écran, une salle au décor quelconque, des fauteuils poussiéreux, et des âmes égarées qui rechignent à retrouver leur corps.

Sauf que pour Monsieur Brume, c'était souvent en pleine lumière, au cœur du réel, dans un moment de belle insouciance, que le monde lui envoyait un coup de pied au derrière. Une déchirure se faisait soudain, un gnome surgissait, poussait un cri obscène, tirait la langue, lâchait un pet et disparaissait aussitôt. Rien de tellement spectaculaire, mais juste ce qu'il faut pour jeter le doute sur la vie, l'histoire, la civilisation, la culture, la science, l'effort humain.
Une fraction de seconde et tout cela ne semble plus qu'une immense plaisanterie, une accumulation fortuite de rognures.  Rien ne tient plus à rien, le ciel bleu n'est plus qu'un rideau sale, le paysage un décor miteux, les gens des pions et Brume un parfait inconnu.

Eh oui ! Monsieur Brume, l'impeccable employé du gaz, le déchiffreur passionné de grimoires, le grand amateur de théories absconces, le citoyen discret d'une nation grandiose n'était plus à ses propres yeux qu'un mirage tremblotant, un miroir brisé.
Et s'il n'était en fin de compte que la pensée d'un autre ? Si les mots qu'il croyait siens n'étaient que les répliques d'une pièce absurde écrite par un fou ? Si le monde qui nous fascine n'était que le décor d'un théâtre de sous-préfecture ? S'il était un autre ? S'il n'était personne ? Où trouverait-il un lieu pour s'asseoir, une raison d'être ?
Il vacillait un moment au bord du gouffre, puis son visage s'éclairait :

"Il me resterait encore la musique !"


Lundi 10 septembre 2007 à 22:44


Vous vous demandez peut-être parfois combien de blogs sur Cowblog sont vraiment vivants et combien ne sont plus que des coquilles vides.

Pour essayer de tirer cela au clair, j'ai étudié ce qu'on appelle un échantillon, échantillon que je considère comme représentatif. Que les vrais sociologues viennent me tirer les oreilles si ce n'est pas le cas !
J'ai pris une nouvelle fois la liste des membre de Cowblog, mais ordonnés cette fois par ordre alphabétique. Cette liste se présente sous forme de pages contenant chacune 50 noms. Le 10 septembre, la liste comportait 383 pages. Sur chaque page, j'ai considéré le deuxième blog (c'est comme ça)  et j'ai relevé chaque fois la date du dernier article posté. L'échantillon compte donc exactement 383 blogs, ce qui représente 2% des 19122  blogs de la liste. On peut considérer que du point de vue de l'ancienneté et de la provenance géographiques, ces 383 blogs sont tirés au hasard.

Conclusions :

1. Une bonne nouvelle d'abord : sur 124 blogs de l'échantillon, soit 32,5 %, un article a été posté depuis le trois septembre (une semaine).

2. On trouve ensuite 105 blogs, soit 27,5 %, sur lesquels un article a été posté entre le 10 août et le 2 septembre.

60% des blogs de l'échantillon sont actifs. C'est plus que je ne l'imaginais.

3. 66 blogs (17%) ont reçu leur dernier article entre le 10 juillet et le 9 août. Ces blogs sont en sursis.

4. Enfin, 88 blogs ne se sont plus manifestés depuis le 9 juillet (23%), ils ont probablement été abandonnés.

Si l'échantillon est valable, pour l'ensemble des membres inscrits au moment du décompte (19122), ces pourcentages nous donnent en gros :

                    - 6120 blogs en pleine santé,
                    - 5200 blogs moins réguliers mais actifs,
                    - 3250 blogs en sommeil,
                    - 4400 blogs plus ou moins abandonnés.

Soyons francs, je m'attendais à pire. Une communauté de plus de 10000 personnes représente un gros potentiel. Cowblog peut maigrir encore sans que son avenir soit compromis.


Dimanche 9 septembre 2007 à 17:30



Dimanche 9 septembre 2007 à 12:24


Les blogs : un phénomène en pleine expansion, selon les gazettes.

Et c'est bien ce semble annoncer quotidiennement le chiffre impressionnant des blogs inscrits sur cowblog : 176552 ce matin.

Pauvre Que-vent-emporte, misérable individu perdu dans une foule gigantesque !

Pourtant, j'ai eu l'idée saugrenue, le 30 août, d'aller consulter la liste de ces blogs. Là, première surprise, la liste refusait absolument de me donner plus de 19357 noms. Pour un blog accessible, il y a en gros 9 fantômes. Où sont-ils donc passés ?

Mais ce n'est pas tout. Le lendemain, la même liste ne comptait plus que 19320 blogs. Pendant la nuit, 37 blogs avaient donc disparu.
37 ? Non, beaucoup plus que ça, parce qu'entre-temps des dizaines de blogs nouveaux avaient été créés.

Et là, j'ai commencé à me poser des questions. J'ai repris la même liste, rangée cette fois dans l'ordre de création des blogs.

Regardons ce qui s'est passé entre le 30 et le 31 août :
Le dernier blog repéré pour le 30 août se situe logiquement à la 19357e place.
Le lendemain, il n'occupait plus que la 19248e place, sur un total de 19320. En un seul jour, 72 blogs nouveaux avaient été créés. Conclusion, dans le même laps de temps, ce n'étaient pas 37, mais bien 109 blogs anciens qui avaient disparu. Beaucoup pour une seule journée !

Il se crée beaucoup de blogs : le chiffre de 176552 donné par cowblog n'est pas fantaisiste, c'est la somme de tous les blogs enregistrés sur Cowblog depuis création du site. Mais il en disparaît plus qu'il ne s'en crée. On ne peut plus vraiment parler d'expansion, en tout cas pas sur Cowblog.

J'ai donc poursuivi ma petite enquête.
1. La place de mon blog dans la liste : 2875e le 30 août, 2790e le 9 septembre. Conclusion, parmi les blogs créés avant le 24 août 2006, 85 se sont évaporés.
2. La place du dernier blog créé le 30 août : 19357e le premier jour, 18220e le 9 sept. Parmi les blogs créés avant le 31 août 2007, 1137 ont mis la clé sous le paillasson en onze jours !

Du coup, j'ai entrepris une autre statistique, celle que je maintiendrai à l'avenir (on ne peut pas tout faire !) :
a) Le total des blogs de plus d'un an à la date considérée
5 sept. : 3093
6 sept. : 3122
7 sept. : 3100
8 sept. : 3102
9 sept. : 3099
Le total reste assez stable, mais logiquement il devrait augmenter continuellement.
b) Le total des blogs de plus de six mois à la date considérée
5 sept. : 7099
6 sept. : 7116
7 sept. : 7115
8 sept. : 7130
9 sept. : 7117
Même remarque.
On notera aussi que ce total est assez faible. Cela signifie que sur Cow 60 à 65 % des blogs ont moins de six mois d'âge.

Les blogs, un phénomène en pleine expansion ? Voire ! La création de blogs certainement, mais sûrement pas leur animation dans la durée.

Et merci à Maud96 de m'avoir mis la puce à l'oreille, il y a déjà pas mal de temps.


Samedi 8 septembre 2007 à 18:12


On fit lire un jour à Monsieur Brume un étrange article.

- Je me demande qui a écrit ça, dit la personne qui avait apporté le texte.
- Et pourquoi ? répondit M. Brume. Cet article, il te met en cause ? il te        vise ? il te menace ?
- Non, mais il m'intrigue et j'aimerais bien avoir la clé du mystère.
- Cela t'importe donc tellement ?
- Bien sûr ! si je sais qui se cache derrière, tout s'éclairera, forcément.
- C'est ce que tu imagines, mais tu as tort.

Et alors Monsieur Brume se lança dans une curieuse théorie.
Le texte, dit-il, comme tout discours suppose en effet un sujet. Pas de discours, pas de texte, pas de parole sans sujet. Pourtant, ce serait une grave erreur que de confondre le sujet du texte avec une personne réelle. Le texte par sa texture même, par le jeu de tous ses constituants, renvoie l'interprète attentif et tenace à un point de convergence obscur, un peu vague, un lieu. Ce point de convergence est justement le sujet en question. S'il se situe toujours dans les parages de l'auteur, parfois tout près, parfois plus loin, jamais il  ne se confond avec lui. Le vrai sujet du discours est à la fois plus et autre chose que l'individu qui s'exprime. Identifier l'auteur d'un texte ne manque pas d'intérêt, mais cela ne nous porte jamais très loin.

On peut aller encore plus loin, pousser les chose aux limites du paradoxe, en disant que le discours n'est pas la production du sujet. D'une source, on ne dit pas qu'elle produit l'eau qui jaillit d'elle. Tout au contraire, c'est en remontant le cours du ruisseau qu'on identifie son point d'émergence. Le ruisseau fait la source. De même devons-nous dire que le discours produit son sujet, et même que le sujet n'est concevable que comme le produit de son discours.
Ne riez pas, dit Monsieur Brume. Je sais bien que le discours a un auteur et jamais je ne prétendrai que le discours crée l'individu qui le prononce. Ce serait absurde.
Mais la vérité devient toute simple si vous vous rappelez ce que je viens de vous dire : l'individu en chair et en os, l'auteur conscient de lui-même et sûr de ses intentions n'est que la cause du discours, il n'en est pas le sujet. Ce sont deux instances rigoureusement distinctes. Le sujet, d'une certaine manière gouverne l'individu, mais de l'un à l'autre, il y a une non-correspondance, un saut, une béance.
En prononçant le discours, en écrivant le texte, l'auteur s'en remet au langage ; il met en jeu tout un système producteur de sens, une texture organisée de signifiants. Ce processus le porte au-delà de lui-même. De ce fait, le dit va plus loin que vouloir-dire, apporte un surcroît de sens, renvoie l'auteur à la part de lui-même qu'il ne connaît pas.

Alors, si vraiment cet article te semble hors du commun, n'attache pas trop d'importance à la question de savoir qui l'a écrit. L'auteur aura beau t'expliquer ses intentions, ses raisons, ses scrupules, tu en sauras toujours moins par lui que par le texte lui-même.


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