Mardi 6 mars 2007 à 11:45


Septième épisode

Cent quarante-sept personnes se présentèrent à l'entrée du vaste chantier : tout ce qui restait de la population de l'île. Qu'importe ! Elles n'auraient pu être plus nombreuses, puisque la machine n'offrait que cent cinquante places.
Chacun trouva son poste, les hommes aux pédales, les femmes aux manivelles, les enfants aux soufflets. Et chacun fut solidement attaché à son siège, comme il se doit, pour des raisons évidentes de sécurité. Par ailleurs, pour la circonstance, la stricte hiérarchie des temps du « work » fut abolie. Dans la perspective d'un effort surhumain, la démocratie la plus sauvage s'imposait : personne ne devait en faire plus que son voisin, vu que, de toute manière, tout le monde allait trimer à en crever. Ce qu'il fallait maintenant, c'était une cohésion parfaite, un élan massif, sous l'autorité absolue d'un Chef clairvoyant. Blogdown s'était donc tout naturellement dispensé de manivelle, de pédale ou de soufflet en sa qualité de concepteur, de sauveur, de guide.
Certains trouveront ce récit fortement inspiré par le mythe de l'arche de Noé. Désolé de les décevoir, mais il n'y a aucun rapport. Les hommes du temps de Noé subissaient une punition divine; dans notre récit, d'un bout à l'autre les Hommes sont les artisans de leur propre destin. Par ailleurs, on n'embarqua aucun animal sur le "big engine", et pour cause : on avait abattu toutes les chèvres, tous les moutons, tous les animaux sauvages, éliminé le gibier, exterminé tous les poissons du lagon.
Au moins, on ne s'embarrassait pas de charges inutiles !
Quand tout le monde fut à sa place, Blogdown expliqua sobrement ce qu'il convenait de faire. Ce n'était d'ailleurs ni difficile à dire ni difficile à comprendre: le moment était venu de mettre toute la gomme.
Blogdown marqua un instant de silence, respira profondément, puis hurla:
 « Go! »

Lentement, tout se mit en marche.
L'engin frémit, gémit, émit de puissants craquements, tandis que les ventilateurs tournaient, que les panneaux se soulevaient, que les soufflets soufflaient. Il y eut un étrange fracas rythmé, comme une rafale de baffes dans un concert de pets. Le "big engine" s'étira, toutes les attaches gémirent, il semblait s'alléger à mesure que les Hommes s'épuisaient puis, après cinq bonnes minutes, il se détacha péniblement du sol. Blogdown hurlait : « Go ! Go ! Go ! Go ! » Cet effort indescriptible fut payant; en quelques minutes le « big engine » atteignit l'altitude respectable de mille mètres.

Les Hommes purent enfin apercevoir leur île au-dessous d'eux : une masse noirâtre poussiéreuse et triste. On avait gagné. Le Rêve se réalisait enfin. L'intelligence des Hommes et l'esprit d'entreprise avaient triomphé de tous les obstacles : le but était atteint. Un gigantesque cri de joie retentit et tous lâchèrent leviers, pédales et soufflets pour applaudir et taper des pieds sur le plancher. L'appareil plongea aussitôt. Blogdown poussa un cri terrible. « N'arrêtez surtout pas de pédaler, ou nous tombons ! »
Les passagers du "big engine" se remirent au travail et, tandis qu'ils s'épuisaient, Blogdown, leur expliqua non sans quelque irritation, que cette machine, s'ils en avaient rêvé, s'ils l'avaient voulue, s'ils avaient tout sacrifié pour la construire, eh bien, il était temps maintenant de lui obéir.
Blogdown lui-même ne commandait qu'en apparence, il n'était que l'interprète des exigence de la machine, le premier de ses serviteurs.
« Cette machine nous a coûté d'énormes souffrances, criait Blogdown. Maintenant, si nous voulons préserver au moins une partie de ce qui nous reste, nous devons nous soumettre à elle, strictement, et lui faire confiance. Décidément, vous ne comprendrez jamais rien au Progrès ! »

Non loin du « big engine », trois albatros planaient, immenses, légers, imperturbables.


Dimanche 4 mars 2007 à 19:16


Sixième épisode

La question pouvait se poser en effet. Mais, comme chacun le sait, elle ne vient à l'esprit que quand elle n'a plus de sens, qu'il est trop tard et qu'on ne peut plus revenir en arrière.
Deux ans après le début des travaux, la forêt avait été bouleversée ; les arbres utiles au "work" étaient devenus rares ; on devait parfois en abattre trois pour n'en extraire qu'une minuscule pièce de bois. Les troncs et les branches inutilisés pourrissaient sur place. Exposés au soleil, les buissons qui avaient fourni tant de fruits abondants et savoureux se desséchaient et crevaient lamentablement. Pour tenter de cultiver quelques malheureuses céréales, on avait brûlé des hectares de taillis. Les insectes et les rongeurs pullulaient ;  en vagues saisonnières, ils déferlaient sur les végétaux survivants. Le gibier se faisait rare ; les poissons semblaient avoir déserté le lagon. Les sources d'eau potable tarissaient, car l'eau de pluie lavait les sols et formait des torrents dévastateurs qui se perdaient dans l'océan.

Mais trêve de lamentations ! Pourquoi cette obstination à toujours insister lourdement sur le mauvais côté des choses ? C'est la rançon du progrès, mais payez la rançon et le progrès se révélera à vous, dans toute sa fascinante beauté !

Près de la grande plage, en effet, le "work" produisait un fruit, autrement plus impressionnant que toutes les baies des bois. Sur une vaste esplanade sablonneuse, au milieu d'un indescriptible amas de débris et de détritus, se dressait maintenant une monstrueuse machine. C'était un assemblage insensé de bambous, de roseaux, de lattes de bois; des pédales et des manivelles partout, des hélices impressionnantes et des panneaux articulés.
Et quelle activité tout autour ! Blogdown, maintenant, n'était plus le seul à donner des ordres. Le pli était pris ;  une armée de chefs, de sous-chefs et de contremaîtres s'était constituée et l'on parlait même de recruter une brigade de surveillants pour donner de l'ardeur aux paresseux et débusquer les derniers réfractaires au "work".
Toutes les ressources de l'île devaient être mobilisées pour construire la machine. La grandeur du "work" valait bien cet effort.
Et puis, il faut bien le dire, on n'avait plus le choix.

Le temps pressait. Ce temps autrefois si lent à passer courait maintenant comme un fou. Une sévère disette exténuait les plus faibles ; la population diminuait spectaculairement ; les nouveaux-nés crevaient comme des bêtes quelques semaines ou quelques jours après être venus au monde. L'île Monde, meurtrie, à l'agonie, serait bientôt un piège fatal. Aucun doute n'était plus permis : le salut des Hommes résidait dans la machine volante, le "big engine".
A peine désignés, les surveillants furent chargés de traquer ceux qui ne croyaient pas à l'évidence, les défaitistes qui prétendaient encore que cette saloperie de machine ne volerait jamais. Il fallait mobiliser les conscience !  Energiquement encadrés par les surveillants, les Hommes furent même conviés à célébrer Blogdown comme un héros providentiel, le Sauveur.
Où en serions-nous s'il n'était pas là !
Quelques isolés, pas encore complètement décervelés par le "work", avaient beau faire remarquer qu'on avait créé le problème en même temps que la solution, on leur démontrait, de façon frappante, donc imparable, qu'on avait aussi bien créé la solution en même temps que le problème et qu'au point où on était, il fallait s'en contenter.

Un beau jour, avec l'abattage du dernier arbre, la capture du dernier animal, la pêche du dernier poisson et l'ingestion de la dernière semence, tout fut enfin terminé.
Epuisés, les Hommes n'eurent même plus la force de rejoindre leurs huttes délaissées. Ils se laissèrent tomber sur place. Quelques increvables s'obstinaient à vouloir faire la fête, mais il ne restait rien à manger, juste un peu d'eau, rien qui pût rappeler les joyeuses soirées d'autrefois, quand on n'était encore que de misérables primitifs. Qu'importe ! Il fallait partir, de toute urgence. A l'aube, le lendemain, Blogdown pria tous les chefs d'ordonner aux sous-chefs de sommer les contremaîtres et les surveillants de ratisser l'île tout entière afin rassembler tout le monde, ce qui fut fait.


Jeudi 1er mars 2007 à 11:26


Cinquième épisode

Il leur fit un grand discours et, quand il eut fini, les jeunes le regardèrent médusés. Quoi ? voler ? comme les oiseaux ? Ce serait possible ?
Blogdown sourit :
- Evidemment que c'est possible. Bon ! Assez perdu de temps, mettons-nous au …
Il cherchait dans la langue des Hommes un mot pour "travail", mais il n'en trouva aucun. Il dit "work" et c'est ainsi que la Civilisation (la seule, la vraie, avec sa belle majuscule) força l'entrée de l'île Monde.
Aussitôt, les jeunes regagnèrent le village le plus proche et répétèrent les paroles de Blogdown, sans grand succès. Ces idées folles dérangeaient trop les habitudes. Tout le monde rêvait de partir, certes, mais si les rêves sont les rêves, c'est justement pour qu'on ne se soucie pas de les réaliser ! Les plus vieux se montrèrent particulièrement grincheux ;  mais que peut valoir le point de vue des Anciens, si vénérables soient-ils, dans une société complètement dépourvue de hiérarchie ? On laissa donc faire, comme d'habitude.
Le lendemain matin, six adolescents boutonneux se présentèrent sur la plage, pour le "work".
Au mépris des traditions les plus ancrées, Blogdown ne se mit pas lui-même à l'ouvrage mais donna des instruction. Les jeunes hésitèrent, se grattèrent la tête un bon moment, puis s'exécutèrent. Ils étaient incroyablement maladroits, dissipés, inefficaces, mais se soumirent d'assez bonne grâce, car ils découvraient une jouissance nouvelle : le soulagement de ne plus dépendre seulement de son bon vouloir, l'obéissance à la volonté d'autrui, la soumission à une autorité, la discipline. Pour un début, ce n'était pas si mal. Quand Blogdown ordonna aux jeunes d'abattre des arbres et de couper des roseaux, les jeunes abattirent des arbres et coupèrent des roseaux. Il fallut aussi fabriquer des outils, filer des fibres, pêcher des poissons pour faire de la colle. Trois semaines plus tard, une clairière trouait la forêt.
Les Anciens se demandaient combien de temps il faudrait à la nature pour remplacer les arbres abattus; ils discutèrent de cette question à perte de vue; mais, tandis qu'ils se perdaient en conjectures, le "work" continuait. Une deuxième clairière s'ouvrit un peu plus loin, puis une troisième.
Les habitants observaient ce manège avec curiosité. Petit à petit, les mentalités évoluèrent. Chaque matin, de nouveaux candidats se présentaient pour le "work".
Pour dire les choses franchement, personne ne croyait aux promesses d'évasion formulées par Blogdown, mais cela n'avait aucune importance. Il se passait enfin quelque chose sur Monde ; des changements perceptibles dynamisaient le temps. Désormais, chaque jour fut différent du précédent. Un système se mettait en place, qui changeait la vie ;  l'île perdue entrait dans l'histoire.

Bientôt, les "workers" furent tellement accaparés par leur tâche qu'il n'eurent même plus les moyens de subvenir eux-mêmes à leurs besoins vitaux. A l'instar des malades, des invalides ou des grands vieillards, ils furent nourris par leurs proches, puis par de moins proches.
Chaque jour on abattait des arbres, on broyait des fibres, on découpait, on assemblait, on collait, on râpait, on se blessait même. Certains commençaient à se demander si le "work" n'était pas un peu fatigant.
Quelques mois plus tard, la population s'était scindée en plusieurs groupes dont les frontières étaient clairement marquées : les bâtisseurs, les transformateurs de matière première, les pourvoyeurs de matière première, les cueilleurs, les chasseurs, sans compter les champions de la traditions, ces irréductibles fainéants que certains commençaient à regarder de travers.
En moins d'un an, le temps devint une denrée rare, le "work" passa au premier plan de la vie sociale, plus personne n'eut une minute à soi. Sur la plage, les matériaux s'accumulaient, formant un énorme tas, derrière lequel quelque chose de monstrueux s'édifiait.
Certains commencèrent à se poser des questions.
Etait-ce bien raisonnable ?



Samedi 24 février 2007 à 12:15



Quatrième épisode

Walt Blogdown, de Grubbs, Arkansas : tel était le nom de l'aviateur calamiteux qui s'était écrasé là, au terme d'un prodigieux enchaînement d'erreurs de navigation et d'incidents techniques. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu'il était le premier voyageur à mettre le pied sur ce petit monde perdu et qu'aucun être civilisé n'aurait l'esprit assez tordu pour venir le récupérer ici.
Il n'avait plus qu'à prendre son mal en patience.
Ce n'est pas peu dire, car depuis son arrivée les choses allaient de mal en pis. Certes, il avait hurlé de joie quand, de son appareil en flammes, il avait vu surgir cette île providentielle à l'horizon ; mais cette île n'était qu'une prison. Certes, il avait survécu à un atterrissage plutôt mouvementé ; mais son appareil avait coulé à pic avec tout ce qu'il contenait. Certes, les habitants de l'île ne l'avaient ni massacré ni maltraité ; mais leur indifférence hautaine, leur obstination à le traiter comme une sorte d'animal de compagnie, le mortifiaient. Pouvait-il supporter, lui, le rejeton de l'Amérique, le civilisé, le détenteur des valeurs occidentales, d'être snobé à journée faite par des sauvages pouilleux, pas même capables de s'habiller, de se brosser les dents ou de se laver les mains avant de passer à table ? Cette île l'exaspérait, en dépit ou peut-être justement à cause de ses palmiers majestueux, ses plages de rêve, ses couchers de soleil à couper le souffle. C'était le Paradis, à n'en pas douter; mais, que voulez-vous, le Paradis, c'est pour les morts. Les vivants n'ont rien à y faire. On ne vit pas dans le monde comme un nénuphar sur un étang ; un monde, c'est fait pour être transformé par l'homme, retourné, défriché, foré, malaxé, bétonné, civilisé, quoi !
Les semaines passèrent puis les mois. Et ce fut la première année, puis la deuxième… Walt Blogdown, s'en allait tantôt vers le Nord, tantôt vers le Sud, quand ce n'était pas vers l'Est ou l'Ouest, ou alors il tournait en rond, ou s'installait dans un coin pour faire la leçon aux arbres ou parler tout seul.
L'île tout entière n'était qu'une vaste forêt, une prolifération d'espèces végétales variées. Des arbres étranges produisaient des fruits étonnants : des gros, des petits, des jaunes, des rouges, des verts, des succulents qui vous flanquaient la diarrhée, des moins bons qui faisaient bien grandir les enfants, des poisons qui vous liquidaient en moins de deux et même des rigolos qui ne servaient à rien.
Soyons juste, Blogdown ne perdit pas tout à fait son temps. Passant de village en village. Il apprit à distinguer les fruits que les habitants mangeaient et ceux qu'ils délaissaient et se familiarisa avec les quarante-trois façons de faire la sieste. Mais surtout, il apprit la langue des Hommes. Longtemps, celle-ci lui sembla incompréhensible; mais, à force d'observer les indigènes et d'écouter les conversations, il saisit quelques expressions. Prudemment, il demeura discret sur ses acquisitions, jusqu'au jour où, se sentant prêt, il se rendit sous l'arbre où somnolaient quelques vieillards repus. Il les aborda en ces termes : « Salut à vous, Anciens vénérables, il fait bien chaud aujourd'hui, vous ne trouvez pas ? » Brusquement ébranlés dans leurs certitudes, les vieux débris se redressèrent d'un coup. Ce fut une belle confusion dans les esprits ! Elo pouvait parler, il était en train de devenir humain, peut-être, au fond, l'était-il déjà.
Progressivement, la condition de Blogdown évolua ; il passa du statut de chien errant à celui de spectacle vivant ou d'idiot du village. Un idiot irritant pour  les plus âgés, un fou fascinant pour les plus jeunes.
Blogdown prit l'habitude de discuter longuement avec adolescents qui traînaient sur la plage.
Il comprit que tout le monde ici n'avait qu'une idée en tête, un seul but, une seule espérance : foutre le camp. C'était exactement ce qu'il lui fallait. Une belle nuit de pleine lune, Blogdown réunit les jeunes les plus vigoureux, les plus impatients, les plus dingues, et leur exposa son plan.


Mardi 20 février 2007 à 11:31


Troisième épisode

Cet événement inespéré qui brisait d'un coup la monotonie des jours bouleversa un temps le quotidien des Hommes et suscita d'intarissables débats. On oublia vite la chose volante. Elle avait disparu dans les flots si rapidement qu'on ne parvenait plus à s'entendre ni sur son apparence ni sur sa nature. Les uns disaient qu'elle blanche, les autres qu'elle était noire; pour les uns, elle avait poussé un grand cri avant de s'abattre, pour les autres, le seul cri avait été celui des Hommes massés sur la plage. Quelques-uns allèrent même jusqu'à prétendre qu'il n'y avait jamais eu de chose, mais seulement un petit nuage d'orage qui avait largué au passage, juste devant leur nez, cet étrange bipède.
C'est que sur l'existence du bipède, aucun doute n'était permis. Il était bien là, errant parmi les Hommes, se plantant devant les gens, agitant ses membres antérieurs dans tous les sens et lâchant des sons incompréhensibles.
Quelle pouvait bien être la fonction d'un animal aussi extravagant ? On écarta bien vite l'idée de le manger, car, soyons honnête, ce bestiau-là, tout pâle, tout flasque, n'était pas appétissant.
On l'appela Elo, car « élo ! » était le premier son qu'il avait proféré après avoir pris pied sur la plage.
Et comme il était plutôt collant et peu autonome, on finit par en user avec lui comme avec les chiens. On lui souriait quand il s'approchait en gazouillant, on lui grattait parfois un peu la tête; mais s'il se montrait un peu trop entreprenant, on l'envoyait valser d'un grand coup de pied au derrière.
Malgré tout, la créature dérangeait. Ce n'était pas un Homme, c'était évident, inutile de revenir là-dessus. Mais ce n'était pas non plus un animal quelconque. Il se tenait debout, mais cela ne prouve rien puisque les oiseaux le font aussi; il poussait des cris très variés, mais ne savait pas imiter les Hommes comme le font les perroquets; il utilisait ses mains pour manger, mais c'est aussi le cas des écureuils et des ratons laveurs. Non. Ce qui dérangeait, c'était son comportement imprévisible et, surtout, ces choses insensées qu'il portait sur lui et qui ne faisaient manifestement pas partie de son corps. Cet emballage tout d'abord: ni pelage, ni plumage, moche comme la peau d'un serpent qui mue. Quelle horreur cela dissimulait-il ? Les Hommes allaient nus, comme il se doit, car ils étaient beaux, eux, et n'avaient rien à cacher.
Comment un être aussi primitif, aussi pataud, aussi vulnérable, pouvait-il être ainsi attifé ?
Mais les jours passèrent, on se fatigua de toutes ces interrogations et le train-train ordinaire reprit le dessus. Les Hommes laissèrent Elo divaguer à sa guise, puisqu'il était inoffensif, et ce dernier prit assez rapidement l'habitude de cueillir des fruits pour se nourrir, comme tout le monde. Il mendiait quelques morceaux de viande auprès des gens, qui s'amusaient à les lui donner, et venait s'installer près du feu, la nuit, comme un brave toutou. Les enfants lui souriaient parfois et parfois lui jetaient des pierres.


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