Et quand il revint, elle ne se cachaient plus. Elles couronnaient de leur danse le modeste sommet. Il se dit qu'elles l'attendaient. Elles évoluaient lentement dans l'air glacé ; leurs pieds nus effleuraient à peine la surface fragile de la neige. Mais on ne percevait pas la moindre musique. Il s'approcha ; d'un signe, elles l'invitèrent à franchir la limite de leur cercle.
Aussitôt les voix se firent entendre : « Bientôt, tu t'éveilleras ! », chantait la voix d'or. Il demanda : « Qui êtes-vous ? », mais la question se perdit. Elles parlaient tout autour de lui, elles parlaient pour lui, mais ne répondaient pas aux questions et ne s'arrêtaient pas de danser. « Pourquoi ne vas-tu jamais jusqu'au bout du chemin ? », disait la voix d'argent. « Pourquoi gardes-tu ce qui ne t'appartient pas ? », sifflait la voix de glace.
Il repêcha le ruban dans sa poche et le tendit à la petite dont les cheveux flottaient en désordre, mais celle-ci ne fit aucun geste pour le reprendre. Elle se mirent à rire toutes les trois sans cesser de tourner, et si fort qu'il se boucha les oreilles. Ce n'était donc pas le ruban…
« Et si, enfin, tu poursuivais ta route... », reprit la voix d'or ; « Si enfin tu ouvrais les yeux... », dit la voix d'argent ; « Si enfin tu me donnais ce que tu me dois… », chuchota la voix de glace, menue, mais perçante comme une aiguille.
Poursuivre sa route ? Mais comment ? Il était au sommet et quand on est arrivé là, que faire, sinon redescendre et revenir, redescendre une fois de plus et remonter sans cesse ? Et que pouvait-il bien rendre, lui qui ne possédait rien, sinon ce ruban dont elles ne voulaient pas ?
Les voix se mêlaient : « Il ne sait pas voir… Naïf qui ne croit qu'à la beauté des choses… Il ne connaît pas nos enchantements, nos illusions, la force de nos rêves !»
Les voix formaient d'étranges accords, des constructions fragiles et envoûtantes, qui se brisaient sur de cruelles menaces.
C'en était trop. Il voulut se glisser hors du cercle, et jeta autour de lui un regard de bête traquée.
C'est alors qu'il vit le chemin. Elles avaient raison : le sommet n'était pas là, mais bien plus haut. Dans le prolongement exact de son regard, comme sorti d'un profond brouillard – l'air était pourtant si limpide ! - se dessinait un chemin, et quel chemin ! Un chemin qui menait enfin hors de la nuit, un chemin de lumière.