Dimanche 18 février 2007 à 10:11


Deuxième épisode

Un jour, justement, un peu avant l'heure habituelle, quatre adolescents s'étaient installés sur la plage et rêvaient mollement d'évasion, laissant errer le regard parmi les grands nuages qui barraient l'horizon. Soudain un bruit étrange attira leur attention et il avisèrent au loin un volatile d'une espèce totalement inconnue qui zigzaguait bizarrement au ras des flots. Plus gros que tous les oiseaux du ciel, mais vrombissant comme un énorme bourdon, il ressemblait plutôt à un insecte géant, un hanneton fabuleux entouré de flammes et traînant derrière un long ruban de fumée noire. Les indigènes, ameutés par le bruit, se précipitèrent en foule sur la plage. Le spectacle était stupéfiant, mais il ne dura qu'un bref instant. D'un coup le bourdonnement cessa et l'animal fabuleux plongea tout droit dans la mer à cent mètres du rivage.
La bête fumante semblait morte et s'enfonçait rapidement dans l'eau. Mais,  sur le point de disparaître, dans un dernier sursaut de vie, elle donna naissance à un être bizarre qui qu'elle expulsa difficilement par une sorte d'ouverture qui se fit… au milieu de son dos ! Cet étrange rejeton n'avait rien d'un œuf et ne ressemblait pas du tout à sa mère. Les Hommes étaient stupéfaits: c'est à eux, plutôt que très vaguement il ressemblait. Un vif débat s'éleva à ce propos, mais rapidement on convint que cette ressemblance était purement illusoire, comme un produit de l'émotion générale. D'ailleurs, les derniers doutes furent aisément balayés quand la créature prit pied sur le rivage. Ce « vaguement comme eux », ne pouvait être des leurs. La preuve : les sons qu'il proférait n'avait rien à voir avec la langue des Hommes, la seule possible, celle que parlaient les gens de l'île. En plus, il était parfaitement ridicule.


Samedi 17 février 2007 à 17:10

Plus haut l'on monte, plus grandement l'on se fatigue et plus dure est la chute.
Proverbe crétin

Premier épisode

Représentez-vous une île quelque part, au beau milieu du plus vaste des vastes océans. Inconnue des touristes en dépit de ses plages de rêve, inaccessible aux navigateurs les plus intrépides, absente même des cartes marines, cette île aujourd'hui inhospitalière, ravagée, déserte, aurait abrité durant des millénaires une peuplade paisible.
A l'époque qui nous intéresse, sur cette île, le climat serait exceptionnellement doux; une nature extraordinairement généreuse fournirait à quelque deux mille âmes une nourriture savoureuse, abondante et facilement accessible. Les habitants n'auraient aucune idée de ce qui se passerait au-delà de leur propre horizon. Ils s'appelleraient donc eux-mêmes les Hommes et leur île, tout naturellement, se nommerait Monde.

Voilà pour le décor. L'histoire peut commencer.

Sur cette île, toutes les conditions d'un bonheur parfait semblaient réunies. Toutes, sauf une : il manquait les emmerdements, la misère, la maladie, la guerre, les élections, et TF1. Aussi les Hommes languissaient-ils, minés en profondeur par leur désespérante félicité.
Du matin au soir, ils s'ennuyaient mortellement, trop doux pour se disputer, trop tranquilles pour éprouver la moindre angoisse. Capables d'épuiser en moins de deux heures le labeur quotidien, ils n'avaient d'autre ressource que de consacrer le reste de leur temps à la musique, à la danse, à la poésie, à la narration d'histoires sans queue ni tête, et à de torrides orgies. C'était si lassant que dès le milieu de l'après-midi, épuisés, les Hommes se traînaient sur la plage et s'installaient, les uns assis, les autres couchés sur le dos, le regard perdu dans le ciel, où planaient, rois de l'azur (je sais!), les vastes albatros.
De génération en génération, les Hommes se transmettaient un ardent désir d'évasion, dont témoignaient toute leur musique, toute leur poésie, leur langue même, si mélodieuse pourtant.
De temps en temps, quelques écervelés  partaient à l'assaut de l'océan. Tentatives déespérées, vouées à un échec certain. Les vagues rejetaient sur le rivage les débris de leurs barques et leurs corps mutilés.


Samedi 6 janvier 2007 à 18:47

A propos, je voulais vous dire…
Le lieu de ma dernière histoire existe bel et bien. C'est un modeste sommet ou j'aime aller voir le soleil se lever après une longue et belle ascension dans la neige fraîche, dans un silence parfait. Si vous ne me croyez pas, allez voir quelques pages en arrière : je vous ai rapporté des images.




Et les jeunes filles ?
Elles existent, enfin… d'une certaine manière. Les lieux sont sauvages et peuplés de très beaux oiseaux noir qui portent une belle tache rouge sur la tête, des tétras-lyres. Peu de chance de les apercevoir en hiver. En revanche, au printemps, ces oiseaux dansent : leur parade nuptiale est fascinante.


Mardi 5 décembre 2006 à 16:56



Devant l'entrée F de la barre 4, deux vigiles fument une cigarette et tuent le temps en attendant l'arrivée de la police. Ils regardent d'un air blasé le corps tordu d'un homme qui gît sur le béton, les membres brisés, le crâne fracassé. L'immeuble est vide ; il doit être prochainement dynamité. Les deux vigiles ont été chargés de contrôler les cadenas et les chaînes qui verrouillent les entrées. Ils sont contrariés, car cet incident perturbe leur planning.

L'un d'eux explique à l'autre comment, juste avant d'entrer dans l'immeuble, il a levé les yeux, par hasard, comment il a aperçu ce type, tout en haut, qui faisait le guignol tout au bord du toit, comment il a gueulé à ce connard de faire gaffe, ce qu'il n'aurait jamais dû faire, parce que… Et voilà! A cause de ça, ce soir, ils en auront une fois de plus jusqu'à pas d'heure.
- Mais qu'est-ce qu'il branlait là-haut, ce type ?
- Va savoir… On a beau tout fermer, ces glandeurs trouvent toujours un trou de souris où se glisser, quand il n'enfoncent pas carrément les portes. Celui-là, on m'en a déjà parlé. Une espèce de malade qui passe ses nuits dans les couloirs et les escaliers de l'immeuble. Un somnambule, quoi !

                                                                                 Terminé





Lundi 4 décembre 2006 à 18:25


Et lui, il se sentait léger, plus léger que la neige même. Il quitta ses raquette et s'engagea sur le chemin, d'un pas dansant. Qu'elle était facile, la montée ! Les trois jeunes filles couraient devant et l'encourageaient :
« Allons, plus vite ! Mais surtout, ne nous quitte jamais des yeux, jamais ! » Le chemin se construisait sous son regard, à l'endroit précis que foulaient les pieds nus des trois jeunes filles, plus gaies, plus vives, plus excitées à chaque pas.

Tu veux un tapis de neige? Le voici. Tu veux des éclats de lumière ? En voilà. Il courait sans s'essouffler et pourtant peinait à suivre le trio coloré. La plus petite se retournait et lui tendait la main, il se hâtait pour l'attraper, mais elle repartait à toute allure. Elles se moquaient de lui, mais qu'importe…
Soudain, un cri déchira l'espace. Cela venait d'en bas… C'est lui qu'on appelait.
Il détourna la tête une fraction de seconde, se souvint aussitôt de l'avertissement : ne pas les lâcher des yeux, jamais.
Trop tard ! Elles avaient disparu.
L'appel fut répété, il se retourna, brutalement réveillé. Sous ses pieds, il n'y avait plus aucun chemin, ni derrière, ni devant. Rien que la gueule ouverte du réel qui se venge.
La chute ne dura guère.




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