Il quitta enfin la forêt et parvint aux abords du sommet, un bien modeste sommet, deux mille mètres à peine, l'altitude des derniers pâturages. D'autres montagnes, plus imposantes, se détachaient tout autour de lui sur le ciel qui virait au bleu. Il fallait marcher encore deux ou trois cents mètres, la pente devenait plus douce et l'on accédait à un petit replat qui marquait le point culminant. On ne pouvait aller plus loin, car l'autre versant était abrupt. En hiver, il ne fallait surtout pas se risquer trop près du bord, car la neige soufflée par le vent formait surplomb qu'un promeneur mal informé ne soupçonnait pas.
Il s'arrêta donc, enleva ses gants, se passa une main sur la figure. Un vaste paysage s'étalait devant lui, dans l'ombre, masqué par la brume. Mais dans quelques minutes, le soleil se lèverait derrière son dos, à la limite des montagnes qui fermaient l'horizon. C'était le moment de redescendre. Il remit ses gants, fit demi-tour et vérifia ses raquettes.
Il allait se remettre en marche, quand il avisa, devant lui, à une vingtaine de mètres tout au plus, une tache colorée, juste à côté de la trace qu'il avait laissée en arrivant. Il s'approcha, et ramassa un petit ruban écarlate, posé sur la neige comme s'il l'avait perdu lui-même quelques instants plus tôt. Mais ce ruban n'était pas à lui. Il le ramassa, l'examina avec curiosité, puis le glissa dans sa poche. De part et d'autre de sa trace, la neige s'étendait parfaitement intacte.
La descente fut rapide, comme d'habitude; il oublia le ruban et ne pensa plus qu'à rentrer chez lui.