Mardi 12 septembre 2006 à 7:14

        matin matin
        matin scellé de cristal et de larves
        matin de pain cuit
        matin de vantaux en folie
        matin gardien d'écurie
        matin d'écureuils et de polisseurs de vitres fraîches à la
            rivière

        matin qui sent bon
        haleine attachée aux stries de l'iris

                                                        Tristan Tzara

                                                         L'Homme approximatif

Lundi 11 septembre 2006 à 22:15

Si vous dites qu'on ne peut vivre sans manger, sans boire, ou sans amour, vous énoncez une évidence que personne ne peut contester. Si vous affirmez que la musique vous est nécessaire, on vous comprend aisément : tout le monde sait à peu près en quoi consiste l'expérience musicale, même si certains s'en affranchissent complètement.
En revanche, si vous affirmez, candide, que la lecture est vitale pour vous, sans compter l'écriture, vous entrez dans le domaine des affirmations paradoxales et on vous soupçonne aussitôt des tares les plus inavouables :
 « Vous ne seriez pas prof, par hasard ? Vous avez donc si peur de vous frotter au monde réel ? Vous ne travaillez donc pas ? »

Pire encore, on vous soupçonne de vouloir faire l'intéressant, d'afficher votre particularisme par pur snobisme, par pur mépris des autres.
En effet, tout semble prouver le contraire aujourd'hui : on peut être diplômé de l'Université, bien installé dans la vie, fabuleusement riche, ou mieux président d'un très grand pays sans avoir jamais ouvert un livre.
Bref, si vous affirmez que la lecture et l'écriture sont pour vous comme une respiration, vous risquerez fort de passer pour un excentrique.
Quel chemin parcouru en deux ou trois générations ! Dans la belle ville de Piogre où je passai mon enfance et mon adolescence, tout candidat à des études secondaires standard était assujetti au latin et l'on ne sortait pas du bahut sans avoir mordillé un peu partout le grand fromage de la littérature, sans avoir appris à tenir honnêtement la plume. Un festival d'activités austères, souvent ennuyeuses (ne me prenez pas pour un nostalgique), mais, surtout, absolument, délibérément, triomphalement I-NU-TI-LE S au regard les critères actuels.
Aujourd'hui, les études secondaires ont perdu leur caractère généraliste et, surtout, leur ancrage dans la littérature. De ce fait, la lecture n'est plus perçue comme une activité formatrice de base, mais avant tout comme un loisir, un moyen assez rébarbatif de se distraire, largement supplanté par le film ou le DVD. (Au Luna Park, on apprécie les chevaux de bois, mais c'est sur le train de la mort qu'on s'éclate. )

Or, l'écriture et la lecture sont indissociables. Les mots qui viennent sous la plume ne surgissent pas du néant ; il ne naissent pas en nous ; pour qu'ils intègrent notre propre substance, il faut d'abord qu'ils nous parviennent du dehors; ce qui nous est propre, c'est seulement l'élan qui les mobilise. Les mots et, plus que les mots, les liens qui les unissent, ne nous sont disponibles que parce qu'ils circulent en permanence entre nous. Et le circuit le plus fécond en matière de langage, le plus exigeant, c'est la littérature.
L'inspiration est la conjonction du désir inconscient et du flux de mots, de phrases, de représentations qui passe par nous.
Les blogs sont une extraordinaire manifestation du désir de s'exprimer et en particulier d'écrire ; ils illustrent bien la vocation première de toute écriture qui est le déchiffrement de l'expérience humaine et du monde ; pourtant ils gagneraient à être reliés plus étroitement au grand flux de la littérature, ce qui suppose une fréquentation assidue, intime de nos écrivains et de nos poètes.
J'y reviendrai.


Lundi 11 septembre 2006 à 19:01

Cet après-midi, alors que j'étais au boulot, j'ai envoyé un de mes avatars faire la sieste sous un arbre. C'est très pratique. Pendant que je tapais à la machine, il envoyait ses impression directement dans ma cervelle. En fermant les yeux je pouvais voir les feuilles bouger ; entre les branches passaient quelques nuages retardataires qui peinaient à rattraper les orages de ce matin.

Bon. Maintenant il va être l'heure de rentrer, et mon avatar n'est toujours pas revenu. Il m'envoie toujours des images, le salopard, mais c'est uniquement pour me faire enrager. Il me nargue depuis une terrasse, il se présente à tout le monde, en donnant mon nom évidemment, et se commande des glaces à trois étages alors qu'il n'a pas un sou sur lui. Et il le sait, le salopard !

Le bureau est fermé, les collègues sont rentrés et moi, je reste à l'attendre sur la première marche de l'escalier, sous un néon blafard. (Tous les néons sont blafards.) C'est qu'un avatar ne retrouve son identité originelle qu'à l'endroit où il s'en est séparé. Et n'imaginez pas, surtout, qu'on puisse l'abandonner dans la nature. S'il ne me retrouve pas (et je sens que cela ne va pas tarder), il s'affolera, se mettra à hurler n'importe quoi, cassera de la vaisselle, bottera les fesses des passants et finira en taule. (Sous quelle identité, à votre avis ?) Et ce n'est pas tout. S'il commence à s'exciter dans sa cellule, il va enfler émotionnellement en me pompant toute mon énergie. Et pour finir, il m'aspirera jusqu'à lui. Pflouitch ! Devinez où !


Vendredi 8 septembre 2006 à 14:45

Aujourd'hui, j'ai des fourmis dans les doigts, et un peu de temps ;  je vais encore tapoter un peu mon clavier.

J'en profite pour vous parler d'un compagnon formidable, qui compte beaucoup pour moi.
Il s'appelle Blaise Cendrars (Blaise comme « braise », Cendrars comme «cendre »); il est mort, mais il nous reste le feu de ses livres.

« L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres. »

                                    L'Homme foudroyé (Commencez par là !)

Si vous le croisez quelque part au détour d'une page, donnez-moi de ses nouvelles.

Il terminait toujours ainsi ses lettres :
                                                « Avec ma main amie
                                                                        Blaise Cendrars »


Vendredi 8 septembre 2006 à 12:43

Quand tu vis cet arbre devant toi. Tu crus qu'il te faisait signe.

Sans le nuancier des mots, sans l'écho présent de tant de phrases lues,
du regard lancé à la perception comprise,
aurais-tu ressenti ce léger décalage qui s'opéra en toi,
cette faille aussitôt colmatée qui te découvrit, un instant étranger à toi-même ?




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