Dimanche 14 octobre 2007 à 12:37
La question qui me travaille, celle qui me fait courir depuis des années comme un chien qui flaire la sauvagine, c'est : « Pourquoi l'écriture, la littérature, l'art ? »
Et pourquoi est-ce que je n'échappe pas à cette question, moi qui ne suis ni artiste, ni écrivain ?
Bon. Il y a des artistes, il y a des écrivains, il y a des livres, beaucoup, et même beaucoup trop. C'est un fait, pas une explication.
Alors pourquoi toutes ces activités qu'aucune utilité ne porte ?
Ne me répondez pas que c'est parce que les hommes, fatigués par l'incontournable laideur de la « vraie » vie, ont besoin de se distraire, de s'offrir de temps à autre une cure de beauté. Ce n'est pas sérieux. Et puis l'art, bien souvent, n'est ni beau ni distrayant.
Ne me répondez pas que c'est parce que l'art et la littérature se vendent, qu'il y a un marché de l'art et de l'écriture et que si un marché de quelque chose existe, ce quelque chose a forcément sa place parmi nous. C'est grossier, et faux en plus.
Des milliers d'artistes, des milliers d'écrivains persistent à peindre, sculpter ou écrire sans le moindre espoir, ni même la moindre envie, d'en faire un commerce.
Et l'on fait fausse route en brandissant l'inutilité, la gratuité ou le plaisir de choquer comme un étendard. Tout cela joue parfois, j'en conviens, mais, de toute évidence, ce n'est pas de cela que nous parlons.
Bien au-delà de ces considérations mesquines, bien au-delà de du désir puéril d'être reconnu et célébré ou de se donner en spectacle, se cache une raison d'être, autrement plus impérieuse.
La littérature et l'art en général ne sont ni utiles ni inutiles, ils sont tout simplement nécessaires.
Et je crois savoir pourquoi.
C'est d'ailleurs tout simple.
On n'écrit pas parce qu'on décide un jour d'écrire plutôt que de spéculer en bourse, gratter la terre ou aller à la pêche. Ce n'est pas un choix. D'ailleurs nombre d'artistes le disent : « Je ne peux pas faire autrement ».
On écrit, on peint, on chante, on sculpte, on danse, parce qu'on reconnaît qu'à l'intérieur de soi quelque chose –on ne sait quoi - veut être dit.
Cette pression de ce qui veut être dit, nous l'avons tous, mais certains la perçoivent mieux que d'autres, ou la refoulent moins que d'autres. S'ils n'y cédaient pas, peut-être ne pourraient-ils simplement pas vivre.
Cette sensibilité à cette parole autre, non révélée, repliée sur elle-même, qui nous constitue, loin de nous exiler dans les marges de la « vraie vie », ou à l'écart des « vrais problèmes », nous ramène au cœur de notre humanité. Cela veut dire qu'en fonçant, aveugles, sur les boulevards de la réussite ou les sentiers de la survie, nous passons, délibérément ou par contrainte, à côté de ce que nous sommes. Décentrés, décalés, aliénés comme naguère on savait si bien dire, nous nous éloignons de nous-mêmes.
L'art, l'écriture, c'est tout bêtement la protestation de l'humain en nous.
Mardi 9 octobre 2007 à 17:31
Comme Maud96, je pense qu'il est bien trop tôt pour tirer une leçon des chiffres que j'ai pu recueillir. Ils signalent une baisse plutôt forte du nombre des blogs sur notre plate-forme au mois de septembre, c'est tout ce qu'ils permettent de dire.
L'avenir nous dira s'il s'agit d'un mouvement saisonnier lié à la rentrée, si la phase d'expansion de la « blogosphère » est terminée, si le reflux a commencé. D'ailleurs, sur ce point, nous manquons totalement de recul. Le phénomène des blogs est lui-même beaucoup trop récent pour une évaluation raisonnable : cinq ans, ce n'est rien du tout.
Pourtant, nous pouvons d'ores et déjà et sans trop de risque avancer une hypothèse.
Si les créateurs de nouveaux blogs sont toujours très nombreux ; ceux qui parviennent à les faire durer le sont beaucoup moins. Sur trois blogs qui se créent, deux au moins sont destinés à dépérir dans les six mois.
Il y a donc deux objets distincts : le mouvement de masse qui capte l'attention des commentateurs et des spécialistes du marketing, je veux parler de la vague très volatile des nouveaux blogueurs, et le phénomène, nouveau, bien plus discret – négligeable peut-être sur le plan quantitatif - des blogs qui s'inscrivent dans la durée.
C'est évidemment à eux que je m'intéresse, et je ne suis pas le seul à ce qu'il semble.
Qu'est-ce qu'ils apportent à ceux qui les font et à ceux qui les consultent ? Les blogs d'ados peuvent-ils devenir des blogs d'adultes ? Les blogs sont-ils maladivement narcissiques ou au contraire étonnamment conviviaux ? Contribuent-ils à l'isolement des individus ou favorisent-ils l'ouverture aux autres ? Sont-ils des espaces de défoulement ou offrent-ils à ceux qui souhaitent s'exprimer un moyen efficace d'avancer dans la maîtrise de l'écriture et de l'image? Et surtout, ont-ils, comme le suggère Maud, un rôle à jouer dans la lutte pour la liberté de penser et d'informer ?
Dimanche 7 octobre 2007 à 23:28
Ça parle.
Il entendait toujours une rumeur derrière la porte fermée.
Il savait voir les portes là où le regard des autres se perdait dans l'épaisseur du brouillard.
Il captait des émissions étranges.
Il pouvait reconnaître les voix portées par la sombre rumeur du monde ou le froid tremblement des astres.
Au cœur battant de la brume, l'oreille attentive, il se laissait porter de voix en voix et recueillait parfois deux ou trois mesures d'une musique inconnue.
Les yeux grands ouverts, sensible à tout murmure. Il laissait filer l'écoute, lâchait la voile au gré du vent et dérivait seul dans le clair-obscur.
Nulle tension, nulle angoisse. Parvenu si loin de lui-même, quel souci lui pèserait encore ?
Il était le pêcheur scrutant des ombres fugitives sous le mouvant miroir des eaux, l'amoureux ponctuel, encore seul au rendez-vous, mais confiant.
Mots gris et flous, phrases vagabondes, paroles impénétrables comme ce brouillard qu'aucun regard ne perce.
Et soudain la porte s'ouvre, une portion de paysage se dévoile, surpris par le soleil, et lance un cri de lumière.
Il entendait toujours une rumeur derrière la porte fermée.
Il savait voir les portes là où le regard des autres se perdait dans l'épaisseur du brouillard.
Il captait des émissions étranges.
Il pouvait reconnaître les voix portées par la sombre rumeur du monde ou le froid tremblement des astres.
Au cœur battant de la brume, l'oreille attentive, il se laissait porter de voix en voix et recueillait parfois deux ou trois mesures d'une musique inconnue.
Les yeux grands ouverts, sensible à tout murmure. Il laissait filer l'écoute, lâchait la voile au gré du vent et dérivait seul dans le clair-obscur.
Nulle tension, nulle angoisse. Parvenu si loin de lui-même, quel souci lui pèserait encore ?
Il était le pêcheur scrutant des ombres fugitives sous le mouvant miroir des eaux, l'amoureux ponctuel, encore seul au rendez-vous, mais confiant.
Mots gris et flous, phrases vagabondes, paroles impénétrables comme ce brouillard qu'aucun regard ne perce.
Et soudain la porte s'ouvre, une portion de paysage se dévoile, surpris par le soleil, et lance un cri de lumière.