Dimanche 9 septembre 2007 à 12:24
Les blogs : un phénomène en pleine expansion, selon les gazettes.
Et c'est bien ce semble annoncer quotidiennement le chiffre impressionnant des blogs inscrits sur cowblog : 176552 ce matin.
Pauvre Que-vent-emporte, misérable individu perdu dans une foule gigantesque !
Pourtant, j'ai eu l'idée saugrenue, le 30 août, d'aller consulter la liste de ces blogs. Là, première surprise, la liste refusait absolument de me donner plus de 19357 noms. Pour un blog accessible, il y a en gros 9 fantômes. Où sont-ils donc passés ?
Mais ce n'est pas tout. Le lendemain, la même liste ne comptait plus que 19320 blogs. Pendant la nuit, 37 blogs avaient donc disparu.
37 ? Non, beaucoup plus que ça, parce qu'entre-temps des dizaines de blogs nouveaux avaient été créés.
Et là, j'ai commencé à me poser des questions. J'ai repris la même liste, rangée cette fois dans l'ordre de création des blogs.
Regardons ce qui s'est passé entre le 30 et le 31 août :
Le dernier blog repéré pour le 30 août se situe logiquement à la 19357e place.
Le lendemain, il n'occupait plus que la 19248e place, sur un total de 19320. En un seul jour, 72 blogs nouveaux avaient été créés. Conclusion, dans le même laps de temps, ce n'étaient pas 37, mais bien 109 blogs anciens qui avaient disparu. Beaucoup pour une seule journée !
Il se crée beaucoup de blogs : le chiffre de 176552 donné par cowblog n'est pas fantaisiste, c'est la somme de tous les blogs enregistrés sur Cowblog depuis création du site. Mais il en disparaît plus qu'il ne s'en crée. On ne peut plus vraiment parler d'expansion, en tout cas pas sur Cowblog.
J'ai donc poursuivi ma petite enquête.
1. La place de mon blog dans la liste : 2875e le 30 août, 2790e le 9 septembre. Conclusion, parmi les blogs créés avant le 24 août 2006, 85 se sont évaporés.
2. La place du dernier blog créé le 30 août : 19357e le premier jour, 18220e le 9 sept. Parmi les blogs créés avant le 31 août 2007, 1137 ont mis la clé sous le paillasson en onze jours !
Du coup, j'ai entrepris une autre statistique, celle que je maintiendrai à l'avenir (on ne peut pas tout faire !) :
a) Le total des blogs de plus d'un an à la date considérée
5 sept. : 3093
6 sept. : 3122
7 sept. : 3100
8 sept. : 3102
9 sept. : 3099
Le total reste assez stable, mais logiquement il devrait augmenter continuellement.6 sept. : 3122
7 sept. : 3100
8 sept. : 3102
9 sept. : 3099
b) Le total des blogs de plus de six mois à la date considérée
5 sept. : 7099
6 sept. : 7116
7 sept. : 7115
8 sept. : 7130
9 sept. : 7117
Même remarque.6 sept. : 7116
7 sept. : 7115
8 sept. : 7130
9 sept. : 7117
On notera aussi que ce total est assez faible. Cela signifie que sur Cow 60 à 65 % des blogs ont moins de six mois d'âge.
Les blogs, un phénomène en pleine expansion ? Voire ! La création de blogs certainement, mais sûrement pas leur animation dans la durée.
Et merci à Maud96 de m'avoir mis la puce à l'oreille, il y a déjà pas mal de temps.
Samedi 8 septembre 2007 à 18:12
On fit lire un jour à Monsieur Brume un étrange article.
- Je me demande qui a écrit ça, dit la personne qui avait apporté le texte.
- Et pourquoi ? répondit M. Brume. Cet article, il te met en cause ? il te vise ? il te menace ?
- Non, mais il m'intrigue et j'aimerais bien avoir la clé du mystère.
- Cela t'importe donc tellement ?
- Bien sûr ! si je sais qui se cache derrière, tout s'éclairera, forcément.
- C'est ce que tu imagines, mais tu as tort.
Et alors Monsieur Brume se lança dans une curieuse théorie.
Le texte, dit-il, comme tout discours suppose en effet un sujet. Pas de discours, pas de texte, pas de parole sans sujet. Pourtant, ce serait une grave erreur que de confondre le sujet du texte avec une personne réelle. Le texte par sa texture même, par le jeu de tous ses constituants, renvoie l'interprète attentif et tenace à un point de convergence obscur, un peu vague, un lieu. Ce point de convergence est justement le sujet en question. S'il se situe toujours dans les parages de l'auteur, parfois tout près, parfois plus loin, jamais il ne se confond avec lui. Le vrai sujet du discours est à la fois plus et autre chose que l'individu qui s'exprime. Identifier l'auteur d'un texte ne manque pas d'intérêt, mais cela ne nous porte jamais très loin.
On peut aller encore plus loin, pousser les chose aux limites du paradoxe, en disant que le discours n'est pas la production du sujet. D'une source, on ne dit pas qu'elle produit l'eau qui jaillit d'elle. Tout au contraire, c'est en remontant le cours du ruisseau qu'on identifie son point d'émergence. Le ruisseau fait la source. De même devons-nous dire que le discours produit son sujet, et même que le sujet n'est concevable que comme le produit de son discours.
Ne riez pas, dit Monsieur Brume. Je sais bien que le discours a un auteur et jamais je ne prétendrai que le discours crée l'individu qui le prononce. Ce serait absurde.
Mais la vérité devient toute simple si vous vous rappelez ce que je viens de vous dire : l'individu en chair et en os, l'auteur conscient de lui-même et sûr de ses intentions n'est que la cause du discours, il n'en est pas le sujet. Ce sont deux instances rigoureusement distinctes. Le sujet, d'une certaine manière gouverne l'individu, mais de l'un à l'autre, il y a une non-correspondance, un saut, une béance.
En prononçant le discours, en écrivant le texte, l'auteur s'en remet au langage ; il met en jeu tout un système producteur de sens, une texture organisée de signifiants. Ce processus le porte au-delà de lui-même. De ce fait, le dit va plus loin que vouloir-dire, apporte un surcroît de sens, renvoie l'auteur à la part de lui-même qu'il ne connaît pas.
Alors, si vraiment cet article te semble hors du commun, n'attache pas trop d'importance à la question de savoir qui l'a écrit. L'auteur aura beau t'expliquer ses intentions, ses raisons, ses scrupules, tu en sauras toujours moins par lui que par le texte lui-même.
Vendredi 7 septembre 2007 à 19:39
Cet après-midi, j'ai acheté un livre*. Il commence par ces mots :
« Lire, c'est laisser rêver un texte. Des images insolites, des thèmes insistants alors émergent dont on ne saura jamais à qui ils appartiennent vraiment, à l'auteur ou au lecteur. Peu importe, puisque l'on est devenu le sujet du rêve. »
Il me faudra du temps pour épuiser le sens de ces trois phrases. Si le reste de l'ouvrage tient la promesse de cet éblouissant début, les deux jours qui viennent seront à marquer d'une pierre blanche.
Je vous tiens au courant.
*Max Dorra, La Syncope de Champollion, Connaissance de l'inconscient, Gallimard