Samedi 26 janvier 2008 à 23:44

       Il ne sera jamais qu'un étranger de passage.




Jeudi 24 janvier 2008 à 17:15




Jeudi 24 janvier 2008 à 11:05


Monsieur Brume vous semble être un homme sage et, à l'instar de tous les sages, un homme heureux. C'est assez juste, à première vue, disons.
A dire le vrai, heureux, Brume l'est certains jours plus que d'autres. Donc, vous l'aurez compris, certains jours un peu moins, voire beaucoup moins que d'autres.
C'était notamment le cas lorsqu'à l'improviste surgissait ce boulet de Malodo, un Milanais volubile, un pur Lombaire.
Brume ne se souvenait plus du jour où pour la première fois Malodo lui avait imposé sa présence. Vraiment, à cette occasion, il avait manqué de fermeté ; Malodo avait aussitôt tiré parti de cette faiblesse, sachant parfaitement qu'il suffit d'une première fois pour autoriser tous les abus ultérieurs. Depuis lors, chaque année, au moment où Brume s'y attendait le moins, ce malotru s'introduisait sournoisement dans son appartement, se glissait à pas feutrés dans son dos et, parvenu à quelques centimètres de lui, signalait brusquement sa présence en hurlant : « Surprise ! Tu ne t'attendais pas à ma viste, ingrat que tu es. Mais rassure-toi, moi, je ne t'ai pas oublié ! » Cette plaisanterie puérile, indéfiniment répétée, produisait chaque fois un effet spectaculaire : Brume restait cloué sur place !
Malodo se faisait passer pour le meilleur et le plus fidèle ami de Brume et s'installait chez lui sans vergogne pendant une semaine ou deux, avant de disparaître, le temps de se faire un peu oublier. Brume avait beau le snober en feignant de ne pas le connaître, lui faire la gueule ou se mettre carrément en colère, Malodo encaissait sans broncher les remarques les plus désobligeantes, restait sourd aux menaces et souriait benoîtement tandis que Brume l'insultait. Il s'incrustait. Pire, il creusait littéralement son trou, déplaçant les meubles, rayant les parquets, cassant les bibelots.
Brume, le sage Brume, l'heureux Brume était vaincu. Il n'avait plus d'autre choix que de surveiller ce mordeur de nerfs, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de faire servilement le dos rond afin de limiter les dégâts. Il se pliait – littéralement – à tous ses caprices. Accaparé par Malodo, il cessait d'écrire et ne répondait même plus au téléphone.


Mardi 15 janvier 2008 à 19:25


Monsieur Brume écrivait. Peu importe quoi ; seul le fait d'écrire est fascinant ; le reste, ce qui en résulte, est toujours d'un intérêt moindre. Et au fil des pages, son écriture le porta tout naturellement à ce constat que tant d'autres ont pu faire avant lui : le Brume qui tenait la plume, qui se disait : « Maintenant, je vais rédiger une page ou deux, parce que j'ai envie d'écrire, ne me dérangez pas s'il vous plaît », le Brume, donc, qui répondait présent quand on prononçait son nom, celui qu'il découvrait dans son miroir, qui s'identifiait au corps de Brume, ce Brume-là ne correspondait pas au Brume énigmatique, au vrai pourvoyeur des mots, des phrases qu'il portait sur le papier.
L'autre Brume n'était pas un second Brume, mais plutôt la continuation énigmatique du premier et littéralement son secret. Ainsi un alpiniste, se croyant arrivé, entrevoit soudain par une déchirure du brouillard, plus loin, plus haut, mais combien plus imposant, le vrai sommet de la montagne qu'il est en train de gravir.

Ayant fait cette découverte, il perdit beaucoup de sa belle assurance. Quand il sentait qu'une idée poussait dans sa cervelle, il se disait ça pense et non plus je pense. Son je usuel se défaisait à vue d'œil. Mais l'autre - faut-il dire le vrai ? - manquait encore. Ce n'était qu'un point d'interroga- tion, une lacune de son être.

Une certitude cependant : c'est au fil des mots qu'il s'en approcherait.



Lundi 7 janvier 2008 à 16:40




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