Samedi 29 mars 2008 à 0:04


Sur France, y en a qui disent que chez nous ce qu'on parle, c'est pas une langue. Non mais tu te rends compte ?

Même pas vrai, ce mensonge !
Avec eux, c'est toujours la même quinquerne.
Ils ne chantent que des gandoises.
Ça leur fait plaisir de nous dévousoyer.
Charrette de fend-l'air !
Y a qu'à les envoyer aux pives !
On verra ça voir.
Comme que comme, y en a point comme nous !

Qu'est-ce que t'as fait tous ces jours qu'on t'a pas vu ?

J'étais au chalet. Ils m'ont meulé pour que j'y monte  alors je suis monté. Mais ça m'a droit fait chier la caque. On a eu une sacrée rebuse. Ah cette cramine ! En plus, il nous est arrivé dessus une enchâtelée de neige. On aurait eu bien meilleur temps d'attendre un peu avant d'y aller. Je leur avait bien dit que ça voulait donner du mauvais, mais ils comprennent tare pour barre. Avec ça qu'en haut la côte, un de ces modzons qui nous font chevrer  a voulu camber un clédar. Il s'est encoublé et a calugé droit dans la dérupe. Tu aurais vu la cupesse ! Heureusement, on l'a retrouvé vigousse dans une gonfle, mais tout en bas du bas. Et ça tombait ! Et ça tombait ! On a dénioté une espèce de quiquageon où on a pu s'acagnarder à la chotte. Oh, pas de quoi faire même un tout petit clopet...
Quand le Jean Rosset est revenu, contre les deux heures, on a voulu sortir, mais c'était une monstre goille tout partout et on a gogé un puissant moment dans la tiaffe. On était trempes en sortant de là et on avait la greulette.
On est rentrés, il faisait bon chaud, on était contents et comme l'Auguste veut tout faire même, on en a profité pour filer au carnotzet. On a rupé des rebibes et une morse de la salée au sucre que la gribiche du syndic avait faite pour son gâtion de bouèbe. Et puis on s'est pris trois décis et puis encore trois décis et puis encore trois décis par après. Alors ce taborniau d'armailli (tous des galaufres, ces Dzodzets !), à force de pintoiller, il s'est pris une caisse, une fédérale, et il a dégobillé sur ses grolles. Il y en avait plein les planelles. Un vrai boiton. Et puis il en quequeuillait ce taguenet. Ça nous a foutu la déguille. Bon il faudra tout ça enlever à la ramassoire et panosser deux fois après.

Vas-y seulement, tu verras le chnabre.

Bon, c'est comme toujours : ça déva et puis après, ça reva.
On croit que pas et puis finalement on est déçu en bien.
Comme que comme, y en a point comme nous !


Samedi 15 mars 2008 à 15:52


-Allô ? Ex Nihilo Père et Fils. « Qui s'occupe de tout s'occupe de vous », parlez, j'écoute.
- Euh… c'est à cause de l'appareil, vous savez…
- Quel appareil, s'il vous plaît.
- La vie.
- Un instant, je vous passe le numéro trois.

(Deux minutes trente-six de musique sublime)

- Ex Nihilo ! « Qui s'occupe de tout s'occupe de vous » , mais on n'a pas que ça à faire, alors soyez bref !
- C'est au sujet de la vie…
- La vie ? En effet, cet article figure encore sur notre catalogue. Mais ça ne durera guère et on ne prévoit pas de nouveau modèle sur cette ligne de produits. Si vous voulez passer commande, ne tardez pas.
- On l'a fait il y a déjà pas mal de temps. Je voulais juste...
- Alors, vous n'avez pas été livré ? Un instant, je vous passe le service compétent.
- Non ! Pas besoin, j'ai reçu le paquet.
- Pourquoi téléphonez-vous alors ?
- Ben… c'est que… je n'ai pas trouvé le mode d'emploi.
- Il n'y a pas de mode d'emploi prévu pour cet article.
- Ah bon ? Mais alors… je fais comment ? En plus, c'est en kit. Maintenant, toutes les pièces sont éparpillées dans le salon et je ne sais même pas à quoi ça ressemble une fois monté !
- Vous verrez bien à l'utilisation.
- Mais pour utiliser l'appareil, il faut bien que je le construise !
- La construction constitue la première phase de l'utilisation. C'est noté sur l'emballage. Vous ne savez pas lire ?
- … !
- Désolé, mais c'est comme ça. Vous comprenez ? C'est la vie !
- Mais comment est-ce que je dois m'y prendre ?
- Comme vous voudrez.
- Vous en avez de bonnes, vous !
- Dans ce cas, faites comme vous pourrez.
- Vous plaisantez ?  Allons, faites un geste, filez-moi un tuyau ! Ma vie, j'y tiens et je ne voudrais pas la gâcher…
- Nous fournissons, les pièces essentielles au bon fonctionnement de l'appareil et vous en disposez à votre guise. C'est le contrat. En plus, comme cet article est gratuit (seuls les frais de fonctionnement sont à votre charge), notre entreprise décline toute responsabilité en la matière.
- Vous n'êtes pas sérieux ! Je me plaindrai.
- A qui ? On est les seuls sur ce marché. On ne dépend de rien ni de personne. Ex Nihilo, vous savez tout de même ce que ça veut dire, non ?
- Vous n'êtes vraiment pas sympa, vous savez ? Je suis déçu.
- N'exagérons pas ! Bon. Calmez-vous ! Je vais vous dire un truc, mais ne le répétez à personne. Vous savez, il y a une astuce avec ce produit.  Il nous sert uniquement à entretenir notre fichier clients. Vous commandez, on vous envoie le kit, et on en profite pour noter votre nom et votre adresse. Ensuite, on transmet la moitié du fichier aux Mormons et le reste aux Témoins de Jéhova. Vous saisissez l'astuce ? L'appareil lui-même ne sert à rien. Faites-en quelque chose ou foutez-le à la poubelle. C'est strictement votre affaire. Nous, ici, on s'en balance.
- Vous vous moquez du monde !
- Vous ne croyez pas si bien dire ! Bon. Ça suffit ! Débrouillez-vous et libérez la ligne. D'autres clients attendent et, croyez-moi, ils ont bien mieux à faire que de nous gonfler avec un truc aussi insignifiant que leur vie !



Lundi 25 février 2008 à 15:04


A Mademoiselle de Montréal

Hier, M. Brume a convoqué son portefeuille, l'a vidé devant lui sur son bureau et, embrassant d'un regard torve sa carte de crédit, toute sa monnaie et ses quelques billets, il n'a pas mâché ses mots !

« En voilà assez ! J'ai bien envie de vous virer. Mais comme il me faudra bien manger, je vous garde, mais uniquement pour expédier les affaires courantes.
« Le reste ne passera plus par vous. Vous ne vous mêlerez plus de la conduite de ma vie en encore moins de mon bonheur.

« Quand j'étais enfant, nous n'avions ni voiture, ni télé, ni machine à laver, ni frigo. Et c'était la même chose pour la majorité des gens qui vivaient près de nous. Le frigo, nous l'avons acheté d'abord, pour remplir une tâche bien précise qui n'avait rien à voir avec le rêve. Un frigo, ça sert à conserver les aliments, un point c'est tout. Et pour la machine à laver, ma mère a été bien contente, parce ça faisait beaucoup de travail et de fatigue en moins. Et la voiture nous a libérés de bien des souci pour le transport, etc.
« Bref, le frigo, la machine à laver, et même la voiture, ça relevait du besoin et le besoin n'a rien, mais vraiment rien à voir avec l'aspiration au bonheur. Ça lève des obstacles sur le chemin du bonheur, d'accord, mais ce n'est pas le bonheur.
« Avec la télé, pourtant, c'était déjà moins clair. Au fond, on n'en avait pas vraiment besoin, de la télé. On l'a achetée pour d'autres raisons, plus floues, moins explicites, vaguement suspectes. Et pour les mêmes raisons suspectes, on a changé notre première voiture, alors qu'elle fonctionnait encore bien, contre une autre, simplement parce qu'elle était un peu plus ceci, un peu moins cela.
« Et les habits ! On ne les jetait que quand ils étaient usés, troués. Jamais parce qu'ils n'étaient plus à la mode. D'ailleurs, qu'est-ce que ça veut dire, la mode, quand les priorités sont de manger, de se loger, de se vêtir décemment, de se déplacer sans y consacrer la moitié de la journée ? Les chaussures fatiguées, on les confiait au cordonnier. Et cela ne nous faisait ni chaud ni froid de les porter une année de plus.
« Jusqu'au moment où on s'est dit : ils sont plutôt moches, ces habits. Et dès lors, on a commencé à en acheter uniquement pour en avoir de plus beaux, pour ressembler aux autres qui ne cessaient pas d'en changer pour ressembler à je ne sais qui. Oui, c'est avec la télé que ça a commencé à changer. On croit que dans la télé, c'est des gens, des choses, des lieux comme dans la vie. Eh bien, pas du tout. C'est des images de gens, des images de choses, des images de lieux et, finalement, des modèles de gens, de choses, de lieux.
« Avant, on allait au magasin avec une liste de commissions dans sa poche, et juste les sous qu'il fallait, parce qu'on avait besoin de ceci ou de cela. Mais par la suite, la tête farcie d'images de gens, de choses, de lieux, on s'est mis à  fréquenter les magasins pour voir s'il n'y avait pas quelque chose qui rappelle toutes ces images, quelque chose de bien à acheter, juste pour se faire plaisir.
« On s'est fait des envies. Et on a placé dans ces envies une part croissante de notre désir de vivre.
« Par exemple, on a commencé à faire des voyages, moins pour l'aventure et la découverte que pour ne pas bêtement rester à la maison. On avait en tête des images de plage et de mer, alors on est allé chercher la plage et la mer. On a connu la plage et la mer dans les campings de la Côte d'Azur ; on a connu la plage et la mer dans une petite pension du Languedoc ; on a connu la plage et la mer sur la Costa Brava ; on a connu la plage et la mer aux Baléares. C'était chaque fois plus loin et mieux, mais c'était chaque fois la plage et la mer, la même plage, la même mer. C'était barbant et même franchement sinistre parfois, mais jamais on ne s' est demandé si on n'aurait pas mieux fait de rester à la maison. Parce que le fait de devoir payer, de devoir se serrer un peu la ceinture pour s'offrir trois semaines par an la belle image qui nous avait fait rêver, ça évitait, sur place, de nous avouer notre ennui et de nous dire « à quoi bon ? »
« A la longue, on a fini par mépriser ce qui ne coûte rien, par estimer que le bonheur, pour être vraiment le bonheur, devait se payer, et cher. On n'a plus rien voulu savoir des parcs publics, de la campagne, de la forêt commune. On a voulu un parc, trois arbustes en guise de forêt, à nous, rien qu'à nous. Un pavillon et un bout de terrain. La barrière de ce lopin de terre a tracé une frontière entre l'espace de notre bonheur à construire de toutes pièces et un monde extérieur devenu indifférent, voire hostile. Pour embellir notre petit espace, pour lui donner du sens, on a acheté, acheté, acheté. Ce n'était jamais assez beau tel que c'était. Toujours, il fallait quelque chose de plus : un banc où on ne s'assiérait jamais plus de cinq minutes, un bassin qu'on a cessé de remplir après deux ou trois ans. Et nos déchets, les rebuts de cette quête incessante, on les lançait simplement par-dessus la barrière, dans ce monde extérieur dont nous nous étions coupés. Et s'il fallait sortir, aller en ville par exemple, il était devenu indispensable de passer par un café, de manger au restaurant, d'acheter une bricole. La ville elle-même nous était devenue si étrangère que sans le café, le restaurant, la boutique, la promenade aurait été totalement vide, sans objet.

« Et ainsi de suite.

« Jusqu'à la nausée.

« Jusqu'à cet article lu dans un blog, où il est question d'une masse de déchets grande comme la France  qui nage entre deux eaux au milieu de l'Océan Pacifique.

« Pardonnez-moi, mes forêts, qui pourtant nous aviez fait tant rêver quand nous jouions aux Indiens ! Pardonnez-moi, vastes espaces ouverts à tous, champs de lumière et de brume, où nous nous sentions si intensément chez nous autrefois ! Pardonnez-moi, bancs publics, quartiers sonores et odorants, passants sur les trottoirs, brasseurs d'utopie dans les bistrots, commerçants hâbleurs, mendiants roublards, enfants tapageurs dans les arrière-cours !
« Et les livres, la poésie, la musique, le théâtre, la peinture, les musées...
« Et cette table, cette chaise, cette feuille de papier, cette plume, ces mots qui ne réclament qu'un peu de temps et d'attention pour nous embarquer vers l'inconnu, pour nous révéler à nous-mêmes ! Et les conversations le soir, les interminables dialogues sur msn, les blogs, les rires avec les amis, la lutte ensemble, la solidarité, l'amour… »



Jeudi 21 février 2008 à 14:35

C'est un jeu étrange que la vie.

Règle no 1 : On cherche tous quelque chose.
Règle no 2 : On ne trouve jamais ce que l'on cherche.
Règle no 3 : On ne sait même pas ce que c'est.

Alors la vie se passe à persévérer dans cette étrange quête ou à tenter de l'oublier.

De ce jeu, pourtant, sont sortis tous les mythes, toutes les musiques, tous les romans, toutes les sagesses, toutes les formes d'art.
Mais aussi, il faut bien le dire, quelques sinistres turpitudes.

Notamment cette suprême mystification qui consiste à répéter en boucle : « Ne cherche plus ! Ce qu'il te faut, nous l'avons produit, juste pour toi. Achète et trouve ton bonheur, achète sache enfin pourquoi tu es sur cette terre, achète pour que dure notre incomparable mode de vie, achète pour que croisse la croissance, achète et oublie une fois pour toutes que tu pourrais être un(e) autre ! »

De ce miracle humain qu'est le langage, il ne restera bientôt plus que le ricanement publicitaire. Et, croyant avoir enfin touché au but, fous de soif dans le plus désert des déserts, courant de mirage en mirage, nous nous épuiserons à récolter des bouteilles vides.


Lundi 18 février 2008 à 18:14


Le soleil disparu, en moins d'une demi-heure la nuit se répand et noie le paysage. Pourtant, de la neige, émane encore une vague lumière. Sous le ciel maintenant ouvert, sous des millions d'étoiles, elle rayonne, indifférente et muette.

C'est le moment de quitter l'abri et de t'accrocher à la pente. Là-bas, au fond du vallon, la lune surgira.
La nuit te parle à l'oreille. Elle t'appelle, toi, et tu pars. Un silence de glace morte enveloppe ta solitude.
Vas-y. Ouvre l'œil. C'est toi, le paysage. Tu gravis tes propres espérances.  Tu traces ta route dans ta chair même.


<< Page précédente | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | Page suivante >>

Créer un podcast